Lettre ouverte de Cédrick Moukoko Penda à Paul Biya sur la question de la non représentativité de la diaspora camerounaise au Parlement
Installé au Kenya depuis 18 ans, l’Ambassadeur de la Promotion de la Destination Cameroun 2017 » demande à Paul Biya de convoquer le corps électoral pour la tenue des élections régionales après les sénatoriales de mars dernier et soulève le problème de la non représentativité de la diaspora camerounaise au sein du Parlement.
Lettre ouverte de Cédrick MOUKOKO PENDA au Président de la République, Son Excellence Paul BIYA
Objet : Appel à l’organisation des Elections Régionales et à la Représentativité de la Diaspora au parlement.
Monsieur le Président de la République,
Considérant la situation socio-politique actuelle du pays, et rappelant la maturité et l’efficacité dont vous avez fait montre jusque-là pour la stabilisation de la paix nationale ;
Approuvant totalement les efforts déployés visant la consolidation de l’Unité et du Dialogue dans l’intérêt suprême de la Nation ;
Rappelant que les agressions à répétition perpétrées dans certaines régions sont en déphasage à notre patrie.
Nous regrettons et condamnons fermement ces violences multiformes et les actes de déstabilisation qui perdurent depuis 2014 dans la région de l’Extrême-Nord et ceux déclenchés depuis 2016 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest par un groupuscule de personnes aux objectifs visant l’instauration et la propagation d’une haine nationale généralisée entre les populations d’expression anglaise et de leurs compatriotes d’expression française.
Réitérant notre engagement, celui de soutenir le gouvernement de la République dans sa dynamique de préservation de l’Unité Nationale, du respect de l’Etat de droit, de la paix et la cohésion sociales, nous vous exprimons notre souhait de poursuivre le dialogue inclusif en vue de parvenir à une solution consensuelle visant à mettre fin aux différents événements qui perturbent le quotidien des Camerounais dans certaines régions et notamment la « crise anglophone ». L’accélération du processus de décentralisation est l’une des issues probable à ce challenge.
Monsieur le Président de la République,
La décentralisation étant le transfert par l’Etat des compétences particulières et de moyens appropriés aux collectivités territoriales décentralisées, elle constitue l’axe fondamental de promotion du développement, de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local.
A la suite de la loi N°96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 Juin 1972 en son titre 10 traitant des collectivités locales décentralisées, un nouveau dispositif législatif est entré en vigueur : La décentralisation. 22 ans après, le processus balbutie et tarde à décoller. Avec les dispositions constitutionnelles complexes sur la question de l’effectivité qui se doit être progressive, nous louons la volonté politique dont vous faites montre.
Le remaniement du 02 mars 2018, par vos soins, a donné un élan nouveau à ce processus que nous saluons vivement. La division de l’ex-Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MINATD) en deux ministères à savoir le Ministère de l’Administration Territoriale et le Ministère de la Décentralisation et du Développement Local est un acte qui atteste cet élan. Ainsi, un département ministériel est consacré à ce vaste chantier devant améliorer les politiques de décentralisation et de développement local et contribuer à la culture d’évaluation des politiques publiques locales par les collectivités territoriales décentralisées.
Monsieur le Président de la République,
Vu les pratiques qui ont cours, il serait urgent que la décentralisation sorte des textes et que son effectivité soit visible et concrète sur le terrain. Nous vous demandons la mise sur pied accélérée des institutions favorisant directement l’autonomisation des régions et des communes.
En effet, les organes de la région qui sont le Conseil régional ayant à sa tête un président, des délégués des départements et les représentants du commandement traditionnel faciliteront le processus. Le Conseil régional devrait ainsi refléter les différentes composantes sociologiques de la région. L’implémentation de tels actes serait la marque de l’application effective et totale de la décentralisation dans notre pays.
A l’ouverture de la deuxième élection sénatoriale, force est de reconnaître l’absence des conseillers régionaux, qui sont, avec les représentants du commandement traditionnel, les électeurs aux élections sénatoriales. Nous vous proposons de convoquer le corps électoral après cette l’Election sénatoriale du 25 mars 2018, en vue de la programmation et de la tenue des élections régionales gage de l’application de la Constitution et de la consolidation de la cohésion sociale. Car, pour l’accélération et l’effectivité du processus de décentralisation, l’ordre électoral à savoir l’organisation des élections municipales, régionales, sénatoriales, législatives et présidentielle, serait à l’avenir un idéal pour la vie politique de notre pays.
Monsieur le Chef de l’Etat,
Nous ne saurons vous saisir sans aborder une question importante : celle de la représentativité de la diaspora camerounaise au sein du parlement et aux collectivités territoriales décentralisées.
L’organisation du Forum de la Diaspora camerounaise l’année dernière a été un cadre idéal pour notre visibilité. Nous souhaitons que la Diaspora soit plus considérée et impliquée dans la politique nationale. Nous demandons à cet effet, une représentation politique spécifique au parlement et aux collectivités territoriales décentralisées.
Nous pouvons nous inspirer de l’exemple de certains pays frères et amis. Au Mali, sur les 129 députés que compte l’Assemblée Nationale, 13 représentent les Maliens habitant à l’étranger. Au Sénégal, quatre sénateurs représentent les Sénégalais établis à l’étranger. La diaspora camerounaise est l’un des atouts pour le développement et l’émergence du Cameroun en 2035. L’Etat devrait déployer l’énergie nécessaire pour capitaliser davantage cette ressource potentielle.
En effet, la diaspora est une force incontournable. La présence d’un conseiller chargé de la diaspora dans chaque collectivité territoriale décentralisée sera un atout dans la réalisation des projets. Le représentant de la diaspora au conseil régional sera le point focal qui discutera des intérêts de la diaspora au Cameroun et ceux du Cameroun à l’étranger. Selon les domaines de compétence, le financement de certains projets serait possible par l’intermédiaire de la diaspora. Elle pourra aussi convaincre les investisseurs étrangers de l’utilité d’investir dans tel ou tel domaine dans une région en tant que partenaire autonome. La diaspora est l’un des acteurs majeurs pour l’émergence. C’est pourquoi, sa représentativité politique est impérieuse.
Monsieur le Président de la République,
Je saisis cette occasion pour rappeler à nos frères du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest que nous ne sommes pas différents mais plutôt UN ET INDIVISIBLE. L’acte unitaire de 1972 n’est qu’une reprise historique légitime au Cameroun car, avant l’arrivée des Occidentaux le Cameroun fut une entité homogène. Le protectorat allemand s’inscrivant dans cette perspective de territoire uni. Malgré les péripéties dues à la première Guerre Mondiale qui vendait à vil prix notre Unité au nom du système international de mandat confiant ainsi l’administration de notre territoire à la France et à la Grande Bretagne, nous avons décidé de Reformer et d’Unir les deux Cameroun d’antan en 1972.
Nous avons su former une Nation et un Peuple malgré nos différences. Notre Unité s’est construite dans la diversité en tenant compte des spécificités de chacun. Aujourd’hui, les variables culturelles exogènes ne doivent pas fonder notre Unité. Car, elles ont sagement été associées par nos ancêtres d’où l’adoption du bilinguisme avec le Français et l’Anglais comme les langues officielles du Cameroun.
Au Cameroun, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, nous sommes égaux car il n’y a ni francophone, ni anglophone mais Camerounais. Nous sommes tous Camerounais quelles que soient nos origines Peul, Haoussa, Bantou, Semi-bantou ; peu importe mon appartenance linguistique. Notre Unité est d’abord linguistique car nombreux sont des Camerounais maitrisant les deux langues. Au lieu qu’elle soit une faiblesse, cette riche culture linguistique constitue une force, un atout qui devrait favoriser notre éclosion sur la scène internationale.
Excellence Monsieur le Président de la République,
En vous adressant aujourd’hui cette présente lettre sur une question de la vie politique nationale et de notre considération comme une composante de la population camerounaise, nous avons fait le choix d’un recours direct à votre Excellence.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de ma très haute considération.
Fait à Nairobi, le 5 Avril 2018
(e) Cédrick MOUKOKO PENDA
Chairman of Cameroon Speaking
Diaspora Association in Kenya