LAURENT ESSO : Ange ou démon aux côtés de Biya ?

La personnalité de l’actuel ministre de la Justice, Garde des Sceaux, l’une des égéries de la République, est évidemment intéressante. Mais ailleurs, sur les réseaux sociaux notamment, on voit qu’il s’agit aussi de l’homme « apporteur d’affaires » au président de la République.

 

 

Ongong Bella La Voix Des Décideurs – Lorsqu’en mars 1982, il est nommé Conseiller technique au Secrétariat général à la présidence de la République, Laurent Esso est encore peu connu du grand public. Il constitue même une curiosité parce qu’il entre en fonction dans une période aiguë marquée par l’« éclipse » d’Ahmadou Ahidjo et l’entrée en scène véritable de Paul Biya à la tête de l’Etat. Un inconnu au Palais de l’Unité? Pas pour tout le monde. En fait, il a derrière lui une solide carrière professionnelle en tant que magistrat. Mais de l’aveu même de ses plus proches conseillers, l’homme s’est toujours tenu à distance respectable des lumières qu’auraient pourtant pu lui attirer ses responsabilités successives à la tête de certaines juridictions du pays.

Homme discret, certains disent «effacé», d’autres «terne», Laurent Esso n’a pas le talent oratoire qui propulse rapidement devant les caméras. «C’est vrai qu’il n’a pas une aisance médiatique naturelle », reconnaît l’un de ses proches. On le dit austère, froid, distant. Pas tout à fait. En novembre dernier, lorsqu’on lui faisait remarquer que son nom figurait sur la «short list» des premier-ministrables, il en rosissait d’aise et bafouillait mollement: «Ce n’est pas le moment…»
Bio-express
« Laurenzo », donc. Et dont une biographie express pourrait raconter en quelques lignes qu’il est né le 10 août 1942 à Douala (région du Littoral), plusieurs fois ministre. Nul ne nie son immense culture qui embrasse et ratisse large : organisation judiciaire ; préparation des textes législatifs et réglementaires relatifs au statut des personnes et des biens ; régime des obligations et contrats en matière civile et commerciale (législation civile et commerciale) ; règles de procédure et de compétence devant toutes les juridictions civiles ; droit pénal général et spécial ; organisation des professions d’avocat et d’auxiliaire de justice ; instruction des dossiers de recours en grâce et de libération conditionnelle ; préparation et mise en œuvre de la politique pénitentiaire ; organisation et suivi du fonctionnement des centres de détentions et des maisons d’arrêt, ainsi que de la gestion des personnels relevant de l’administration pénitentiaire de la conservation et de l’apposition des sceaux de la République du Cameroun. Une vue d’ensemble qui permet de lui accoler d’office l’étiquette de « connaisseur du monde juridique et judiciaire du Cameroun ».

Cas d’école
Il n’est pas une semaine sans que la presse ne fasse sa une sur « la main de fer sournoise » et les amitiés jugées (à tort ou à raison) sulfureuses de ce magistrat aujourd’hui âgé de 76 ans. On comprend que sa vie privée s’étale au grand jour, à la rubrique des faits divers. Ses appétits irrépressibles n’avaient guère de secrets pour le Tout-Cameroun et chacun s’échange des anecdotes pour le moins scabreuses, dont certaines concernent des journalistes (Bibi Ngota, Yves Michel Fotso notamment), «héros» involontaires des assauts de « Laurenzo ». « Ça a toujours été le cas », jurent sur leur foi, d’autres infortunés.

 

 

Vu sous cet angle, il se raconte que Laurent Esso conduit personnellement des enquêtes aux multiples ramifications, qu’il serait engagé, comme d’autres juges d’instruction qui sont saisis d’affaires qui touchent à des politiques, dans un soutien au syndicat de la magistrature. Et à en croire ceux-là, ceci pose un vrai problème de fond, sur le soupçon d’absence de neutralité de la part des magistrats. A ce titre, il a toujours disposé d’un certain pouvoir de surveillance et de contrôle sur l’activité de ces derniers. Présent dans les « cercles de la raison », proche du pouvoir, Laurent Esso évoque rarement la provenance des confidences qui parsèment ses analyses.

Omerta

Au quartier Mvan (au sud de Yaoundé) où il réside, on le connaît peu rieur, dur, gaffeur ou habile. Car chacun de ses tableaux est un fascinant arrêt sur image qui cristallise le caractère de l’homme et l’homme de caractère. Qu’importe, Laurent Esso oblige à cumuler les adjectifs et les superlatifs afin de relever bien d’autres thèmes tels que son obsession du travail, ses vengeances avec les écarts de conduite des commanditaires de cabale.

Il se raconte que ceux qui tentent une biographie de ce fils sawa ont du mal à s’adapter au personnage. Un personnage grand format tel qu’aiment à refléter puissants et politiciens. Et quand le regard achève de se coordonner à un franc-parler suffisamment avenant pour inciter du respect, c’est que le profil du ministre de la Justice, Garde des Sceaux n’énonce pas ses idées à tout va. « Elles sont le fruit d’une longue maturation, d’une vision de l’homme au fil des événements », assure un proche. Simplement, le lexique de « Laurenzo » est plutôt minimaliste.

Pourtant, par une étrange ironie, l’opinion se divertit par la multiplication des images sur les réseaux sociaux. Celles d’un Laurent Esso en posture d’escabeau pour dire toutes les écrouelles de la République. L’ancien secrétaire général de la présidence de la République est, en cette ère où les événements se succèdent si rapidement et où tant d’informations circulent, un exemple clair de capital humain qu’on tente de transformer en avantage politique. Comme si le miroitement d’apparaître réservé peut servir de couloir d’attaque.

Sur ces plateformes numériques, il est dit que Laurent Esso est au cœur du dispositif du renseignement camerounais. Insidieusement, il a été nommé coordonnateur des différents services secrets, intérieur, extérieur, militaire, douane et anti-fraude financière. Il est aussi chargé d’être leur courroie de transmission auprès de l’exécutif.

 

 

Maître de l’Epervier
Depuis la mise en musique de l’Opération Epervier (bras judiciaire du pouvoir politique, selon certains), ce tableau a pris une place de choix dans l’inconscient collectif. Sur le sujet d’ailleurs, l’hebdomadaire Jeune Afrique du 18 décembre 2017 écrit « Modeste et discret, l’homme a trois passions : le jardinage, Dieu – fervent catholique – et Paul Biya.

Ce dernier le lui a bien rendu, en lui confiant les rênes de son opération mains propres dénommée Épervier, que beaucoup considèrent aujourd’hui comme le bras armé d’Esso ».Et justement, son actualité politique le place dans la configuration qu’il semble préférer : le combat sans merci et sans quartier. Et quand il prépare une bataille, Laurent Esso devient un condensé des personnages de période « Cash Investigation », c’est-à-dire des personnalités qui ne lâchent pas grand-chose, voire rien du tout.

 

 

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