Interview de Calvin Djouari : « Le Cameroun mérite à présent à sa tête un sage plutôt qu’un sauveur »

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Le Cameroun mérite à présent à sa tête un sage plutôt qu’un sauveur »

installé en France, parle des  dossiers secrets de la République, les appétits de l’Angleterre, de la France, des Usas…pour l’Uranium et le pétrole camerounais; les erreurs de Paul Biya; la diaspora; de la Crise  dite anglophone; Boko Haram; la présidentielle; l’opposition et son prochain livre… 

 

 

Pouvez-vous vous présenter à notre public ?

Calvin Djouari est un Camerounais qui vit en France dans la banlieue parisienne. J’ai fait mes  études à l’Université de Yaoundé I, études que je n’ai malheureusement pas bien terminées comme cela se devait à cause des reformes qui  instauraient le payement des droits universitaires. Ce qui m’a mis sur la route de l’aventure pour d’abord séjourner au Gabon puis  à Dakar au Sénégal.  C’est à Dakar que j’ai  eu la plus solide formation intellectuelle, parce que j’ai étudié et enseigné dans une école supérieure de management. J’ai occupé de hautes fonctions dans les pays comme la Mauritanie où j’ai été Administrateur Général et Directeur des ressources humaines d’un groupe scolaire français qui comptait 370 employés repartis dans toute la Mauritanie. Après, je me suis retrouvé Directeur des études, chargé de la qualité des services à Africa Consulting à Casablanca. Mon cv n’est cependant pas volumineux parce que je suis un enseignant formé sur le tas, pour mémoire  j’aimerais rendre hommage à Joseph Ndi Samba qui organisait les séminaires pour enseignants du secteur privé pendant les grandes vacances. Je suis à mi- vie. Je suis fiancé et père de deux enfants. Je m’essaie à l’écriture.

Le 20 mai dernier les Camerounais ont célébré la fête de l’Unité sous le thème : « Citoyens camerounais, restons unis dans la diversité et préservons la paix sociale, pour un Cameroun stable, indivisible et prospère ». Quel commentaire faites-vous de ce thème qui résonne toujours dans nos mémoire ?

En  1996,  je vivais au Gabon.  Je me souviens d’une interview accordée par le président Omar Bongo à un journaliste français. Ce dernier voulait ironiser l’action de ce grand homme en lui demandant ce qu’il pensait avoir réalisé pour son pays. Le  journaliste ajoutait qu’il avait fait le tour du Gabon sans rien voir de fascinant,  après quelques hésitations le président Bongo lui a répondu : «  j’ai réalisé l’unité nationale», cela voulait tout dire, que l’unité est l’aboutissement d’un pays multiculturelle.  Dans tous les milieux où vivent les hommes, la paix est un élément important du bonheur disait Ebenezer Njoh Mouellé, même si tous les problèmes ne sont pas encore résolus.

Pendant ce séjour gabonais, il y a eu la crise congolaise où on chassait Pascal Lissouba du pouvoir. Libreville était remplie de Congolais. J’ai hébergé l’un d’eux qui pleurait toutes les nuits et qui ne faisait que me dire « oh quelle heure, j’ai tout perdu Calvin. Ah  à quelle heure ! » Je me souviens aussi qu’il y avait des Rwandais qui déambulaient dans la ville, malheureux, et on comptait également des  milliers de Libériens qui avaient du mal à s’exprimer en français, dans un pays francophone. Hébétés, pouilleux, ceux-ci   sombraient  dans la déchéance et la mendicité, voilà les résultats de la guerre. Les pouvoirs publics doivent créer les conditions de paix, et dotés le pays des institutions dignes de ce nom. Quand nous étions à l’école on ne savait pas Ce qu’on appelle, Douala,  Bassa, Bamileké, Ewondo, Bakweri, Douala ou Babouté…

Dans la théorie du chaos, l’ordre naît du désordre.  Il ne faut pas l’appliquer au Cameroun ; ce sera fini pour notre pays. Le pays se divisera en trois. Nous ne devons pas accepter cela. Demander aujourd’hui à un Rwandais d’aller en guerre il refusera, parce qu’il a vécu les atrocités de la guerre. Le problème de l’Afrique est qu’on ne connait pas lire les signes du temps.  C’est là notre aveuglement, une absence totale et une capacité à scruter les événements, et les décrypter et on ne connait pas anticiper. On attend subir parce que nous sommes superstitieux dans notre tréfonds.  On se dit toujours que les choses peuvent s’arranger. Un homme spirituel ne doit pas réfléchir ainsi. Tous nos dirigeants sont pourtant dans les cercles d’initiation. Lorsqu’on se tue,  l’Occident s’en moque, ils savent que beaucoup mourront, mais il en restera toujours un bon nombre pour reconstituer un autre peuple, parce que le Noir est fécond. J’ai écouté  un Camerounais dire un jour dans un grand désespoir face à la vie qu’il fallait un tremblement de terre dans ce pays afin que les gens puissent se regarder dans les yeux.

Comment les Camerounais de la Diaspora ont célébré cette unité en France surtout au moment où sont évoquées des multiples divisions de cette communauté dans ce pays ?

L’erreur du président Biya est d’avoir rejeté la diaspora. Cette erreur remonte au président Ahidjo, il fallait un ministère qui s’occupe des questions de la diaspora, c’est une grande force, la diaspora  camerounaise à elle seule peut relever l’économie camerounaise.

Que le président sache une chose, chacun veut finir sa vie dans sa mère patrie. La diaspora ne demande pas le pouvoir ; les gens veulent investir au pays, et pour créer les entreprises au Cameroun.

J’ai  visité  beaucoup de pays dans le monde j’ai rencontré des Camerounais extrêmement riches. Tous ne pensent qu’à investir dans leur pays dès qu’ils sont un peu épanouis, c’est une garantie pour eux. Regardez par exemple les leaders de l’enseignement privé en  Mauritanie qui sont tous des Camerounais. Il y a des Camerounais qui ont des grands hôtels ou restaurants à Dakar, à Casablanca,  n’en parlons pas du Nigeria, ou du Gabon. En occident, c’est autre chose.

La diaspora  envoie 2 milliards de F CFA dans l’économie camerounaise chaque fin de mois, je veux dire par là les différents mandats expédiés dans les familles. Elle est très importante, je suis convaincu que tout le désordre actuel est orchestré à partir de la diaspora.  Je vois les leaders politiques faire le tour du monde lorsqu’ils veulent une reconnaissance de leur potentialité. Je vois les musiciens lorsqu’ils veulent s’affirmer, ils font une tournée européenne. Que le président sache une chose, chacun veut finir sa vie dans sa mère patrie. La diaspora ne demande pas le pouvoir ; les gens veulent investir au pays, et pour créer les entreprises au Cameroun. Les portes doivent se débloquer. Pourquoi ne pas ouvrir une cellule spéciale à la présidence pour gérer de cette question ?

A un Camerounais qui doit ouvrir une société qui va employer 500 personnes, on doit dérouler le tapis rouge. Parce qu’il apporte ainsi un trophée conquis à l’extérieur. Sur les millions de Camerounais qui vivent à l’extérieur, il y a  600 000 qui veulent créer une entreprise au Cameroun. Vous voyez ce que cela peut faire en termes de création d’emplois.

Si aujourd’hui la diaspora camerounaise est opposée à Biya, ce n’est pas pour le pouvoir, mais c’est pour trouver une personne qui comprendra leurs soucis.

En 2007, je suis venu avec des partenaires tunisiens  au Cameroun pour des projets, il n’y avait que des obstacles. Je m’adressais aux compatriotes, on me considérait  comme un étranger. C’est chacun qui voulait s’occuper du dossier alors qu’il n’avait pas qualité. Tout tournait autour de l’argent, tous  voulaient l’argent séance tenante. Et nous sommes repartis en abandonnant tout. Je connais des centaines de personnes qui ont eu les mêmes aventures. Lorsqu’une personne vivant à l’extérieur a ses biens au Cameroun,  le désordre ne passera pas par lui. Une profonde philosophie de la paix réside là. Si aujourd’hui la diaspora camerounaise est opposée à Biya, ce n’est pas pour le pouvoir, mais c’est pour trouver une personne qui comprendra leurs soucis. Et si le prochain président fait la même chose, elle se retournera également contre lui.

C’est pour vous dire que la diaspora a suivi avec attention le défilé, la plupart était captivée par les pas des militaires, le pas de guerre qui a bien défendu l’intégrité territoriale.

Ces divisions sont le reflet des difficultés que le pays a à consolider l’unité dans la diversité. Comment appréhendez-vous la notion de Vivre ensemble prônée actuellement par les pouvoirs publics et les autres acteurs de la Nation ?

La vie en communauté ne doit pas être quelque chose d’artificielle. Elle doit être naturelle. On ne fabrique pas le vivre ensemble ; c’est un état d’esprit. Depuis qu’on parle de vivre ensemble, c’est comme un mariage arrangé. Ou un mariage sans cadeau. Il y aura toujours crispations. Non, il faut remettre la fierté aux Camerounais d’expression anglaise qui nous aiment et nous adorent. Ce sont des compatriotes très hospitaliers,  courtois avec lesquels nous vivons depuis toujours. Ils ont l’impression qu’ils sont effacés de la scène, désormais on doit accorder la priorité aux Camerounais d’expression anglaise. C’est aussi ce qui traduit les remaniements du  président Paul Biya, c’est déjà bien avec les postes de souveraineté ; ça ne suffit pas. Par exemple à la majorité des travailleurs sont francophones ce n’est pas normal.

C’est Dieu qui a voulu que les Camerounais d’expression anglaise soient placés à cet endroit.  Ils doivent être prioritaires, vous n’allez pas entrer dans la maison de quelqu’un vous préparez à manger chez lui et vous sortez avec toute cette marmite sans rien lui donner, je me rappelle quand nous étions à l’internat au CETIC de Nkongsamba, il y avait des Camerounais d’expression anglaise qui venaient reprendre les études au plus bas niveau pour multiplier leur chance de trouver un emploi du côté francophone, alors qu’ils avaient terminé le cycle d’études anglophone. Ce n’est pas normal. La spécificité anglophone est une évidence ; ignorer cela est un nanisme intellectuel. Les Camerounais d’expression anglaise vivent cette réalité comme un mariage forcé. Pourquoi les hommes politiques ne peuvent pas laisser les populations vivre heureux tout simplement parce qu’ils veulent commander ?  Cela montre qu’on a des savants idiots, incapables de régler un problème identitaire,  alors qu’ils ont tous fait les grandes études. Il ne s’agit pas de faire les discours ici. Il s’agit de les appliquer. Ici, il y a eu un héritage matériel, intellectuel, artistique, et spirituel, transmis à chaque génération par la conscience. Il faut en tenir compte.

Depuis près de deux ans, le Cameroun est secoué par la crise dite anglophone débutée sous formes des revendications corporatistes mutées en revendications sécessionnistes. Comment analysez-vous les causes de cette crise ?

« Un président ne doit pas s’éloigner de son peuple ou de ses collaborateurs, il ne doit pas les faire attendre lorsqu’ils sollicitent une audience. Voilà les différentes erreurs de notre président. Le peuple ou ses collaborateurs directs doivent être sa passion. »

Il va de soi que c’est la 3ème grave crise que le Cameroun ait connue depuis qu’il existe. La première crise s’est produite en 1914 avec les villes mortes organisées par les chefs Douala. La ville morte est une création camerounaise. C’est après que les Gandhi Mahatma ont imité dans les années 30.  Gandhi a travaillé en Afrique du Sud,  il connaissait l’histoire de l’Afrique.

La deuxième s’est produite le 24 mai 1955 où en plein quartier New Bell, on a tiré sur  la foule massée devant la Prison centrale de Douala. Imaginez un meeting organisé par John Fru Ndi en 90 qu’on soit entrain de tirer sur la foule,  quand  on sait que  Um Nyobe attirait les foules comme John Fru Ndi en 90. Les causes de ces revendications  sont lointaines.

C’est un ras-le-bol, vous vous imaginez ?  John Ngu Foncha  en démissionnant du parti, avait dit dans une interview que l’audience qu’il sollicitait avec Biya n’avait jamais été accordée, et Tandeng Muna avait démissionné et il disait être en pleine forme. Quel Camerounais démissionne quand il est en plein forme ? Un président ne doit pas s’éloigner de son peuple ou de ses collaborateurs, il ne doit pas les faire attendre lorsqu’ils sollicitent une audience. Voilà les différentes erreurs de notre président. Le peuple ou ses collaborateurs directs doivent être sa passion. Par ailleurs, l’existence des crises est une réalité dans les sociétés humaines. Lorsqu’elles surviennent, il faut faire attention de ne pas entrer dans une colère noire. Il faut identifier les problématiques et les valeurs impliquées.

La colère en soi n’est ni négative ni positive, en revanche la façon dont nous décidons de l’utiliser est essentielle dans la gestion de la crise, bien évidemment survient la médiation. Il faut en ce moment savoir contenir ses émotions, et être créatif, apprendre de ses erreurs, et ne pas perdre le temps à accabler les autres de reproches.

 

 

Il faut être souple et savoir qu’on ne vient pas à une médiation pour imposer ses vues.  Prendre les armes contre son pays est un crime abominable qu’il faut réprimer sévèrement. Il ne faut pas confondre Paul Biya et le Cameroun. D’ailleurs, l’histoire n’a pas donné raison à ceux qui ont pris les armes.  Je n’aimerais pas être à leur  place, en se faisant arrêter comme des petites fripouilles. Ils ont montré beaucoup de naïveté dans leur révolution. Le Cameroun tel que vous le voyez. Il ne faut jamais essayer d’imiter ce qui se passe ailleurs. Le Cameroun est trop compliqué dans son essence et son existence. Le Cameroun est plus qu’une création de l’esprit. J’ai bien observé le Cameroun pour comprendre qu’il faut se méfier de ce pays.  Quand j’ai appris que certains Camerounais ont pris les armes pour lutter contre leur propre armée, j’ai ri. Je savais qu’ils sont tombés dans le panneau, et la crise sera plus facile à gérer que s’ils étaient restés dans la première posture. Je savais qu’ils ne pouvaient pas et qu’ils seront neutralisés. Le jour que le Nigéria les livrait, il y a un qui a pissé sur lui. Ils s’étaient entendus dans les cellules qu’ils préféraient mourir au Nigéria que de rentrer au Cameroun mais les regards de ceux qui sont venus les chercher  en disaient long. Ça montre qu’on a des gaillards qui ne connaissent rien de l’essence de la terre dont ils sont issus. Je n’aurai jamais le courage de prendre les armes pour tuer un compatriote. C’est une erreur fatale. Je leur avais adressé une lettre publique pour leur demander de ne jamais prendre cette voie. Mais que peut-on dire à des personnes à qui les féticheurs ont dit qu’ils sont invulnérables. L’Africain est comme ça et mes frères  sont ce qu’ils sont.

Voyez-vous des mains étrangères ?

Le Cameroun est petit ; mais celui qui le touche va se brûler les doigts. Ça je vous le dis et retenez cela aujourd’hui. Je ne sais pas pourquoi je vous le dis, mais c’est comme ça. Les mains étrangères, ce ne sont pas seulement les élites anglophones de la diaspora qui sont au cœur de ce problème.  Aujourd’hui, la plupart d’entre eux se retirent parce qu’ils savent qu’on a failli les tromper. La plupart  de mes amis anglophones lorsque je les appelle, ils me disent, « s’il te plait quand tu m’appelles ne parlons plus de ce problème, ma famille est au Cameroun », «  je ne suis pas dans ces choses-là », « I no dé me dé. »

Qui se cache derrière ce problème ? Avant d’étaler cela j’aimerais vous dire une chose, que les problèmes économiques sont à la base presque toujours des troubles sociaux. Et quand on veut tenir une analyse politique, il ne faut pas s’en tenir à la surface. Par surface, je veux dire les discours, les conférences de presse des hommes politiques. Les hommes politiques ont un vocabulaire à eux, et qui recouvre toujours des mensonges. Il y a un jargon diplomatique. La politique c’est l’art du vocabulaire ; ceci demande de bien choisir les mots, avec une subtilité, pour faire entendre aux gens le contraire de qu’ils veulent faire réellement. Quand Hitler préparait la guerre, il prônait la paix dans toute l’Europe.

Le vrai problème le voici : l’Afrique souhaitait sortir du CFA.  L’Afrique secrètement étudiait la possibilité d’une nouvelle monnaie africaine qui leur permettrait de décoller, les choses  s’arrangeaient entre dirigeants, et le siège devait être au Cameroun, parce que tous les négociateurs avaient estimé que le Cameroun est un pays de paix.  Certains pays qui ont leur propre monnaie ne voyaient pas cela d’un bon œil. Et ces présidents se sont ouverts à l’Occident afin de tuer le projet dans l’œuf.  Ils ont profité avec  Boko Haram pour dénaturer  Cameroun.  L’objectif était de montrer que le Cameroun n’est pas stable et lorsqu’il y a eu la crise dit anglophone, les mêmes experts ont poursuivi leur action.  La création de cette monnaie était  à l’horizon 2022. C’est la raison pour laquelle Kadhafi est mort. C’est lui qui avait proposé le Cameroun. Kadhafi aimait beaucoup le Cameroun à cause des Lions Indomptables. Que Dieu protège son âme !

C’est malheureux pour l’Afrique, quand il était en danger aucun président africain ou arabe n’a condamné. Si Sankara était vivant,  il aurait dénoncé. Si un pays comme le Nigéria, le Sénégal ou le Maroc avait élevé la voix, Sarkozy n’aurait pas fait ce qu’il a fait.

La sortie de cette crise est-elle possible. Si oui à quelle condition ?

« Il faut tout simplement interroger notre histoire. Le Cameroun doit rester soudé sur lui-même, et savoir que les Occidentaux ne sont pas nos frères. L’Occident est convaincu que nous ne sommes pas intelligents et que c’est facile de nous déstabiliser. »

Il faut tout simplement interroger notre histoire. Le Cameroun doit rester soudé sur lui-même, et savoir que les Occidentaux ne sont pas nos frères. L’Occident est convaincu que nous ne sommes pas intelligents et que c’est facile de nous déstabiliser. Il faut faire comme les Sénégalais. C’est le seul pays africain qui maitrise le Blanc. Nous les Bantous nous sommes trop fascinés lorsque nous voyons les Blancs et quand ils nous sourient, nous croyons qu’ils nous aiment. Nous sommes prêts à tout faire pour leur plaire. Et pourtant dès qu’il a obtenu ce qu’il voulait, tu n’es plus rien devant lui. Je ne suis pas du genre qui dira Paul Biya must go. Diriger un pays demande beaucoup de sagesse.

« Biya ne partira pas laissant le Cameroun dans cette tourmente »

Vous avez vu quand Houphet est parti il était vieux. Regardez ce que ses héritiers  ont fait de la Côte d’Ivoire. La plus grande erreur c’est  quand les gens prennent les armes contre leur pays, au lieu d’entrer en compétition avec les moyens qu’ils possèdent.  Je vais vous raconter une anecdote.  Beaucoup d’amis qui liront cette interview pourront le témoigner. Je suis allé après avoir entendu des rumeurs, (vous savez que le porteur des rumeurs aime avoir la primeur dans la communication des  nouvelles) dans le fief des Camerounais à Barbes.  Je veux dire le fief des opposants extrémistes au pouvoir de Yaoundé.  Je leur ai dit que je venais d’apprendre que Paul Biya était mort, la colère que ces gens ont manifestée m’a surpris. Ils m’ont dit stop… tu sors avec tes histoires ou on  te lynche ici.  J’ai compris  ce jour que les Camerounais veulent la paix, alors que  je m’attendais que ces radicaux célèbrent la triste nouvelle.  Personne ne voulait que  cela se confirme, le Cameroun serait dans le chaos selon eux. Le lendemain personne n’a reparlé. On est passé à autre chose. Biya ne partira pas laissant le Cameroun dans cette tourmente. Il n’y aura  pas de conditions, il y a eu des problèmes, et ces problèmes seront réglés avec patience et subtilité, sans brutalité. Comme je vous le disais, qu’il ouvre les portes à la diaspora, qu’il distribue l’argent.

Distribuer pourquoi et comment…

En tant de guerre, c’est l’argent qui règle les problèmes. Au Cameroun, l’argent ne finit pas. Napoléon a gagné les guerres mais il le menait avec l’argent. Qu’est-ce qui a calmé les opposants virulents des années de braises ? C’est l’argent. Il ne s’agit pas donner à tout le monde, il faut donner à ceux qui veulent. Ils vont se diviser. Il y a ceux qui diront qu’ils ne prennent pas l’argent ; c’est faux. Il faut choisir la bonne personne et au bon endroit. Ce n’est pas de la corruption mais c’est un effort de guerre. Tous les pays en guerre l’ont fait. Napoléon envoyait des émissaires voir les camps ennemis avec de l’argent. Par ailleurs qu’on donne les postes de direction aux ressortissants de ses régions ; pas seulement les postes ministériels. C’est leur tour et cela ne gênera aucun francophone. Il faut utiliser les artistes anglophones en avant premières. On les a étouffés même dans l’art. Que le capitaine des Lions Indomptables soit un fils de l’une des deux régions. D’office que cette place leur soit réservée. C’est dingue mais c’est très important ce que je dis. Il y aura toujours un fils du Nord-Ouest ou du Sud-ouest qui sait jouer au ballon.

Que proposez-vous à Paul Biya ?

« Si le président Paul Biya organise une conférence nationale,  il rentre dans l’histoire, parce que cette conférence va résoudre tous les problèmes actuels de la nation et apaiser »

Personne ne peut revendiquer d’être objectif.  Des centaines d’intellectuels  sont passés donner leur avis. J’ai écouté sans rien entendre, pourtant des éminentes personnalités. Je vais être simple. Voici venu le temps des conférences  nationales. Si le président Paul Biya organise une conférence nationale,  il rentre dans l’histoire, parce que cette conférence va résoudre tous les problèmes actuels de la nation et apaiser.  Voilà où la conférence a vraiment un objet. On ne peut pas vider la mémoire historique de notre esprit, et on ne peut pas ignorer les efforts que les autres ont fait depuis l’Indépendance et même avant, alors une conférence nationale où les institutions seront reformées ainsi qu’il suit : un président de la République francophone, père de la Nation, parce que cela correspond à notre culture ; un  premier ministre fort anglophone, politiquement c’est le reflet de notre histoire, de notre composante sociologique.

 

 « Il faut bien s’attendre à faire l’alternance un jour avec les Anglophones, et peut-être ils seront les meilleurs dirigeants, parce qu’ils sont très simples et ouverts »

Une autre idée si celle que j’ai donnée n’est pas la bonne. Il y a nécessairement lieu de réviser la Constitution, au terme de cette nouvelle Constitution.  Les  Camerounais d’expression anglaise dirigeront le pays pendant deux mandats de 4 ans. Deux candidats anglophones se présenteront aux élections présidentielles chacun ayant son vice-président francophone.   Ceux-ci   seront votés par tout le peuple camerounais, et 8 années après ce sera le tour des Francophones avec un vice-président anglophone voté également par tout le peuple et si un des présidents faillit à sa mission, il sera destitué par le Sénat. Il faut bien s’attendre à faire l’alternance un jour avec les Anglophones, et peut-être ils seront les meilleurs dirigeants, parce qu’ils sont très simples et ouverts contrairement à nous les Camerounais d’expression française, toujours arrogants, pédants, et méprisants.

Il faut noter aussi que ceux qui disent que le président Biya est vieux se trompent. Il  a une jeune mémoire, son âge est certes avancé mais il réfléchit comme tout jeune  Camerounais de 35 ans, et tous ses ministres d’ailleurs,  ses préfets, et sous-préfets, tous  sont vieux, mais très éveillés, la seule chose, on a une culture de l’apparat.

Le problème du président Biya est  qu’il n’aime pas travailler avec des personnes excellentes. Il aime être avec des personnes médiocres. J’entends par médiocre les diplômés qui ne mettent pas leurs compétences  académiques au service de la Nation parce qu’ils pensent à leur carrière, et sont  incapables de prendre des décisions. Il y a eu un ministre réformateur comme Amama qu’on n’a pas laissé travailler. Voilà un homme qui voulait mettre ses compétences au service de l’administration. Comment garder un intellectuel comme Maurice Kamto, Ministre délégué à l’ombre d’un ministre qui n’a pas son étoffe. Donner des  propositions. Je ne peux pas tout  dire ici, parce qu’il y a des connaissances qui ne doivent  s’enseigner que d’une tête à l’autre sans laisser des traces écrites et sans témoins. C’est des  stratégies, on ne dévoile pas les stratégies en public.

 

 

Partagez-vous le point de vue de ceux qui disent que cette crise est consécutive au manque de mise en œuvre de la décentralisation ?

On ne prend pas un grand thème comme celui-là on colle sur la poitrine d’un pays comme une médaille.  Il faut des experts, des sociologues, des géostratèges qui doivent encore travailler là-dessus. La décentralisation n’est intéressante que si elle évite aux gens de  longs parcours administratifs. Si on peut  créer les entreprises sans discriminations, éviter cette bureaucratie anachronique, où le simple sous-préfet veut qu’on baisse la tête  devant lui lorsqu’il passe, ça ne servira à rien  parce que les Camerounais cherchent comment faire pour ne pas bien travailler, pour se reposer quand ils veulent, s’absenter parce que ce sont les parentés qui seront devant eux pour les commander. On n’a  pas encore le sens du devoir pour parler de décentralisation.  La décentralisation va amener beaucoup de désordre dans l’administration vous verrez. La décentralisation c’est comme la démocratie avec l’Afrique. La démocratie a échoué. Vous allez me dire que cela a réussi dans les pays africains. C’est faux !

Les pays qui ont réussi la démocratie en Afrique sont en réalité des pays pauvres. Vous allez me dire que l’Afrique du Sud est en Afrique, mais ils ont une culture métissée, c’est très différent avec nous les Bantous. C’est la fin d’un pays comme le Cameroun, si on décentralise.  C’est bien pour les pays à l’échelle d’un continent, pas pour les petits pays. Je ne suis pas pour. La décentralisation a fait quoi ? Entre Douala et Nkongsamba, les villages ont vieilli. Est-ce qu’on a refusé aux gens de se développer ? Les gens revendiquent la décentralisation parce qu’ils aiment le pouvoir.  Regardez comment les gens se tuent pour être maire ou député. On retrouve les mêmes choses depuis 50 ans, et on accuse la décentralisation. L’Afrique est très différente, très compliquée. Les choses doivent toujours être traitées cas par cas. Vous avez vu ce qui s’est passé à Anjouan,  il y aura des regroupements identitaires, et des discriminations vont vite naître. Puis certains vont dire nous ne dépendons plus de Yaoundé.  Il y aura du faux partout plus que par le passé. Le Cameroun sera un dépotoir des énergumènes qui vont vouloir s’imposer comme maître dans leur région comme on voit avec les vieux maires qui ne veulent pas laisser les places aux autres plus compétents et plus jeunes. Bien sûr qu’il y aura quelques transformations sociales avec tous ces failles que je viens de citer. Mais ce sera pour les premières années et puis après ce sera tout. Il faudra alors diviser le Sud-ouest ou le Nord-ouest au moins en huit parties y compris le nord du Cameroun. Il faut penser à ça aussi.

Quelle a été votre réaction à l’annonce de la création la Commission Nationale pour le Bilinguisme et le multi culturalisme ?

« Il faut plutôt tenir compte de la spécificité anglophone ; voilà le vrai problème. Les Camerounais d’expression anglaise sont pour le Cameroun une poule aux œufs d’or. Ça ne sert à rien de les étouffer avec ces mots reniflants et soporifiques. il faut laisser tout ça. C’est comme un mariage forcé. »

Ce sera inopérant. Ce n’est pas ce que les Camerounais d’expression anglaise veulent. C’est comme si on remuait une plaie. Comment une personne évite une chose et c’est ça que vous venez présenter. Si un Camerounais d’expression anglaise dit qu’il n’apprend pas le français qu’allez-vous lui faire, vous direz qu’il va rester ignorant ? Mais c’est quand il restera ignorant qu’il ne vous comprendra pas dans sa révolte. Il faut plutôt tenir compte de la spécificité anglophone ; voilà le vrai problème. Les Camerounais d’expression anglaise sont pour le Cameroun une poule aux œufs d’or. Ça ne sert à rien de les étouffer avec ces mots reniflants et soporifiques. il faut laisser tout ça. C’est comme un mariage forcé.

Le 17 mai 2018, l’ Ambassadeur des Usa à Yaoundé dit avoir « suggéré au président qu’il devrait penser à son héritage et à la façon dont il veut se souvenir dans les livres d’histoire pour être lus par les générations à venir, et a proposé que George Washington et Nelson Mandela soient d’excellents modèles. » Que lui rependez-vous ? Et comment analysez-vous cette sortie quand on sait qu’il 300 militaires américains au Cameroun ?

« On risquera ne plus avoir de financement. Ce qui peut provoquer des troubles sérieux dans les deux  prochaines années, parce que la France va aider les Américains sournoisement et Macron finira par se prononcer pour la transition. »

C’est une affaire très très sérieuse. Si vous avez bien observé le président de la République lors du défilé du 20 mai, il était un peu crispé. Je suis sûr que c’est cette déclaration qui l’embêtait, parce que les Américains lorsqu’ils font de telles déclarations soyez sûrs qu’ils ont déjà fait quelque chose ou ils feront quelque chose. Et moi je sais déjà ce qu’ils feront. Ils vont utiliser les deux grands criminels habituels : la Banque Mondiale et le FMI. Ce sera leurs armes de chantage afin de paralyser le Cameroun. On risquera ne plus avoir de financement. Ce qui peut provoquer des troubles sérieux dans les deux  prochaines années, parce que la France va aider les Américains sournoisement et Macron finira par se prononcer pour la transition. Mais les Camerounais sont plus intelligents que les Américains. C’est des gens qui sont forts en technologie mais sur le plan de la diplomatie ils ne sont plus fins que les Camerounais. C’est pourquoi les Français les dépassent sur ce plan. Et comme les Camerounais sont formés à l’école française, ils feront le signe indien. Paul Biya souffre parce qu’il y avait trois grands hommes politiques ne sont plus à ses côtés : Jean Fochivé, Edzoa Titus et Kontchou Koumeny.  C’étaient trois personnes irremplaçables de son régime de tous les temps. Nous sommes des hommes, mais nous n’avons pas tous la même connaissance, les mêmes intuitions.

« Le président Biya est un homme extrêmement mystique, un mysticisme presque Divin.  Je suis sûr que ce n’est que Dieu seul qui pourra le terrasser, pas un homme. »

Les Américains sont arrivés à cette conclusion que si un pays a de hauts cadres en prison, c’est dire que tout le système n’est pas bon. Mais il faut savoir que derrière tout ça il y a la France. Mais à cause de ses liens avec le Cameroun préfère passer par les Américains. C’est la même chose que Barack Obama a fait avec Kadhafi en utilisant Sarkozy. Mais avec le Cameroun, ils vont échouer. Les Américains ont eux-mêmes beaucoup de problèmes ; ils sont stressés par le travail, effrayés par la violence, angoissés par l’avenir. Le président Biya est un homme extrêmement mystique, un mysticisme presque Divin.  Je suis sûr que ce n’est que Dieu seul qui pourra le terrasser, pas un homme. Je ne veux pas dire pourquoi, on dira que c’est naïf.  Mais celui qui connait les choses du  pouvoir doit l’éviter.

La magie que cet homme a utilisée pour se maintenir au pouvoir dépasse ce que l’ensemble des présidents africains ont utilisé. Il a trois sortes de pouvoir que je ne veux pas détailler ici et les gens comme lui ne doivent pas quitter le pouvoir de façon dramatique sinon c’est le chaos derrière lui.  C’est la vérité que je vous dis.  Je vous le dis avec la main sur le cœur que si Biya part, il y aura le chaos surtout s’il est parti de façon brutale. J’aimerais vous voir un jour pour vous regarder dans les yeux. Ce que je révèle là est très important. Je souhaite une alternance non brutale au Cameroun. Il y a des jeunes qui nous suivent je ne veux pas les encombrer en racontant des choses qui échappent à leur entendement. Maintenant je vais vous rappeler en filigrane le rôle d’un Ambassadeur. Depuis 1963, la convention de Vienne sur les relations diplomatiques en fixe les usages dans les moindres détails, la courtoisie d’un Ambassadeur doit être esquissée et raffinée. Les Africains sont très susceptibles et il faut faire très attention lorsqu’on traite avec eux.

C’est un incident diplomatique qui a prêté main forte à l’opposition.  Il y a à présent une opération de déstabilisation déjà installée au Cameroun. Les Américains veulent  à tout prix que l’opposition présente un seul candidat pour valider une hypothétique victoire de celle-ci alors qu’elle en est incapable de gagner. Les Américains sont très forts pour infiltrer dans un pays et créer le chaos jusqu’à sa chute. Il n’y a qu’au Cuba qu’ils n’ont pas réussi. Il faut les surveiller. L’opposition camerounaise comme dans tout pays bantou boite. Elle n’arrive pas à se regrouper autour d’un champion.

« A mon avis, il eut fallu qu’on donnât  48 h à cet Ambassadeur de quitter le Cameroun, qu’il ne soit pas invité à la Fête Nationale. »

A mon avis, il eut fallu qu’on donnât  48 h à cet Ambassadeur de quitter le Cameroun, qu’il ne soit pas invité à la Fête Nationale. Un seul individu qui menace toute une Nation pour ses intérêts personnels parce qu’il veut monter en grade.

Les conventions de Vienne condamnent les manquements à la langue diplomatique.  En toutes circonstances, « le premier devoir du diplomate est d’être de bonne foi, il doit d’autre part, en raison des intérêts importants dont il a la charge, avoir un esprit vigilant et objectif, un caractère prudent et réservé, un jugement sain et froid. Il doit s’être discipliné à toujours tenir un langage modéré. »

Je reste convaincu que  si l’Ambassadeur est sorti avec courroux et a fait cette déclaration incendiaire c’est parce qu’il avait reçu les griffes de « l’homme Lion ». On le connait assez, le calme président.  Quand il sort ses griffes celles-ci te transpercent, ainsi mordu et envahi par le désarroi, l’Ambassadeur a préféré se jeter à l’eau.  Un pays comme le Cuba aurait réagi à l’immédiat en l’expulsant.  J’aime  le président Banda Kani, c’est un vrai Camerounais, il a  une forte personnalité. Très objectif dans ses analyses, il défend d’abord les valeurs camerounaises avant de penser à autre chose. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que les déclarations de cet Ambassadeur venait du président Donald Trump. C’est un homme qui a beaucoup à faire dans le monde pour s’ingérer dans des petites choses. L’Ambassadeur a voulu joué son rôle historique.  Il faut savoir que lorsqu’un Ambassadeur est accrédité, il est mentionné dans la lettre d’accréditation ce  qui suit : « je vous prie d’accueillir avec votre bienveillance accoutumée et d’ajouter foi et créance entière à tout ce qu’il vous dira, de ma part. » Qui sait si l’initiative vient de lui seul. C’est une vieille formule de Louis 14.

Le Cameroun est-il devenu le théâtre des batailles entre les puissances étrangères en quête des ressources naturelles ?

Il convient de défendre résolument la sphère territoriale, et de dénoncer hautement tous ces pays. La France a cruellement frappé sur l’UPC dans les années 50 parce qu’elle ne voulait pas perdre le Cameroun après avoir perdu l’Indochine et l’Algérie. Les Upcistes ont payé fort la colère de ses deux pays perdus par la France. Pendant qu’on tuait à l’Ouest et dans le Littoral, on augmentait le volume de la radio pour que les gens écoutent la guerre d’Algérie.

« Depuis que les Américains savent qu’il y a l’uranium au nord du Cameroun, ils veulent déstabiliser tout le pays pour l’exploiter frauduleusement. »

Depuis que les Américains savent qu’il y a l’uranium au nord du Cameroun, ils veulent déstabiliser tout le pays pour l’exploiter frauduleusement.  La NASA a besoin de l’uranium et Trump veut être l’un des livreurs, c’est un homme d’affaire.  Avec l’uranium du Cameroun, il peut récupérer l’argent qu’il a dépensé pendant la campagne présidentiell. Et le Cameroun a le plus grand gisement à l’heure actuelle. Tout Bonabéri n’a que du  pétrole, qui pouvait imaginer qu’il y avait de l’or à Eseka ? C’est comme ça partout sur le territoire camerounais. C’est maintenant qu’on doit s’unir pour la République. Regardez lorsque l’Allemagne nazi a envahi la France, on ne cherchait plus à voir de quel parti était un Français. Tous se sont retrouvés à Londres autour du Général de Gaulle pour  l’intérêt supérieur de la Nation. C’est pourquoi je suis contre ceux qui veulent le pouvoir à tout prix alors que le pays est en danger.

« Je suis contre ceux qui veulent le pouvoir à tout prix alors que le pays est en danger »

Ceux-là ignorent que le gouvernement actuel n’a plus peur du diable. Ce que je sais de l’Afrique est triste parce que ceux qui critiquent souvent, une fois qu’ils sont au pouvoir, oublient les valeurs pour lesquelles ils accusaient les autres. Les mêmes gens qui ont vilipendé Mubutu les voilà aujourd’hui entrain de crier. Ceux qui ont voulu que Pascal Lissouba partent les voilà aujourd’hui en train d’insulter Sassou Nguessou. La même chose pour la Côte d’Ivoire  même comme leur voix est entre temps étouffée. L’Afrique est  toujours petite d’esprit comme le soldat, tenant une arme à la main, à qui on a donné les meilleures connaissances mais qui s’est égaré sur le champ de bataille.

Nous sommes à quelques-mois de la tenue constitutionnelle de l’élection présidentielle. Cependant, le pays est secoué par les revendications des régions du nord-ouest et du sud-ouest ; à l’Est, les rebelles centrafricains menacent ; à l’Extrême-Nord, BokoHaram est toujours actif. Il ne faut pas oublier quelques tensions observées entre certaines communautés du Centre et du Littoral, et la tentative de coup d’Etat manqué en Guinée Equatoriale situé au Sud du Cameroun. Et face à cette situation des acteurs politiques appellent au report des élections et à la modification de la Constitution pour institution du poste de vice-président ? Pensez-vous dans ce contexte que les élections présidentielle, municipale, législative et peut-être régionale seront possibles ?

 

 

« Le Cameroun battra son ennemi aller-retour sans état d’âme et personne ne comprendra d’où lui vient cette force. Il ne faut pas s’attendre à ce que le président abandonne le pouvoir. Paul Biya est à présent un militaire habillé en civil, et chez les soldats rien de plus passionnant que la guerre, et dans cette guerre il faut sortir comme héros. C’est le rêve de tout soldat.»

Si Paul Biya tente de reculer les élections présidentielles, il va se retrouver dans la cour du roi pétaud.  C’est ce que le service secret américain attend pour nuire  notre pays.  Bientôt, ils vont faire tomber le masque. On verra alors celui qu’ils vont présenter comme marionnette. Notre constitution est sacrée. On doit la respecter même si après, on peut la réviser. Paul Biya a un grand soutien.  Ce n’est même pas un soutien extérieur, c’est intérieur. C’est un soutien traditionnel. Regardez comment un pays est attaqué partout et il tient bon.

Le Cameroun battra son ennemi aller-retour sans état d’âme et personne ne comprendra d’où lui vient cette force. Il ne faut pas s’attendre à ce que le président abandonne le pouvoir. Paul Biya est à présent un militaire habillé en civil, et chez les soldats rien de plus passionnant que la guerre, et dans cette guerre il faut sortir comme héros. C’est le rêve de tout soldat.

Par ailleurs, vous posez la question parce que vous ignorez ce qu’engendre une élection présidentielle. C’est le temps où l’argent circule à merveille ; les gens n’attendent que ça pour s’y lancer. Si l’argent sort l’opposition se présentera, il y aura des candidats et c’est normal parce cet argent c’est l’argent des Camerounais. Je suis suivi par au moins 50 mille Camerounais aujourd’hui,  le candidat qui présente un bon programme qui me séduit,  je bats campagne pour lui,

 

 

Avec plus de 35 ans de pouvoir sans partage au sommet du Cameroun, quel bilan faites-vous du système Biya ?

« Le Cameroun souhaite à présent à sa tête un sage plutôt qu’un sauveur, un homme prudent qu’un intellectuel assoiffé. »

Le Cameroun souhaite à présent à sa tête un sage plutôt qu’un sauveur, un homme prudent qu’un intellectuel assoiffé. Je ne suis pas un prophète de mauvais aloi qui dira que c’est un échec ; même si je n’ai rien eu. J’ai vu les autres en avoir. J’ai toujours dit que je n’ai pas la chance avec Biya. C’est mon destin. Le jour qu’il accédait au pouvoir, j’étais à l’internat au CETIC de Nkongsamba. Ce jour-là, pour la première fois, on nous avait coupé de l’eau à l’internat. Nous sommes allés chercher dans les quartiers de l’eau qui n’était pas buvable.

J’ai par ailleurs soutenu son programme en 1992 et voté pour lui. A l’université cette année-là, on s’est fait bastonner par les gendarmes. J’ai mon grand frère avec qui je n’ai plus jamais parlé depuis 15 ans, toujours à cause de ce soutien à Paul Biya.  On ne peut pas dire que depuis que Biya est là, c’est la même chose, non, il y a eu des lycées presque dans tous les arrondissements du Cameroun, et tous les villages ; il y a des écoles partout, des hôpitaux. Les routes ont été goudronnées, on a eu une liberté d’expression poussée même à la folie.

« Ce qui a tué Paul Biya c’est qu’il n’a pas étudié cette population galopante ; il n’est pas allé dans les arrondissements. »

C’est avec lui que les Camerounais ont été le plus fiers. Il a révolutionné le sport, que de participation en coupe du monde, que de Coupes des Nations gagnées, que de médailles d’or aux Jeux Olympiques. J’insiste surtout sur ces médailles aux Jeux Olympiques.  Ce jour-là, je me sentais fier d’être Camerounais.  Que de vedettes au rang mondial, que de villas dans  Douala ou Yaoundé.  En 1982,  Ngousso, Biyem Assi, Oyom-Abang,  tout ça était une brousse. Il y a des maisons partout dans ces quartiers que je cite. Douala de même, ces deux villes sont vastes. N’en parlons pas de Bafoussam ou Bamenda, ce sont les conditions économiques qui ont favorisé ce développement. Si Biya le plus intelligent n’a pas pu faire, pensez-vous qu’une autre personne l’aurait fait ? Soyons souvent honnêtes.  Ce qui a tué Paul Biya c’est qu’il n’a pas étudié cette population galopante ; il n’est pas allé dans les arrondissements. Voilà Nkongsamba qui était  la troisième ville du Cameroun, a-t-il déjà visité Nkongsamba ?

 

 

Par ailleurs, il n’est pas proche de ses gens. C’est comme s’il avait peur d’un Camerounais. J’ai vu comment on a failli couper la main d’une compatriote qui voulait lui remettre personnellement une lettre. Quand on est président on est comme le papa.

Mais il faut qu’il soit près du peuple, qu’il aille rencontrer un jour les marchands ou les agricultures dans une zone éloignée. Le roi Hassan II  le faisait avec les Marocains, quel Camerounais peut dire que Biya l’a déjà surpris un jour sur une route seul. Un président doit être comme un mythe ; il doit faire des petites choses qui resteront dans les esprits.

De nombreux observateurs voient Paul Biya vainqueur avant la tenue de la présidentielle au cas où il brigue un nouveau mandat. Est-ce pour autant dire que Paul Biya est président sans opposition ?

 « J’ai constaté que Cabral Libi s’égarait »

Aucun d’entre eux n’a jusqu’ici parlé de la modernisation de la société, pourtant  l’opposition camerounaise est composée des hommes intègres comme Maurice Kamto. Les autres sont  des fanfarons en mal de notoriété. J’ai apprécié Cabral Libi au début. Chaque soir, je suivais ses interventions. Je faisais même la promotion de ses idées, mais par la suite, j’ai constaté qu’il s’égarait. Il manquait de modestie, toujours enfermé dans les méandres rhétoriques sans fin comme l’intellectuel qui épate ses étudiants. Il croit qu’il est à l’université lorsqu’il parle à des Camerounais. On le comprend, nous sommes dans un pays où la littérature pèse dans le cerveau de ceux qui sont moins préparés. Pourtant il est bien entouré, surtout son représentant de Paris en l’occurrence le Docteur Jean Crépin Nyamsi qui peut beaucoup lui apporter. Le petit pouvoir rend souvent fou l’homme qui l’a pour la première fois. C’est dommage qu’après les élections, il verra bien le pourcentage qu’il représente au niveau du Cameroun.

Quant à Maurice  Kamto, il lui manque tout simplement les dispositions que prennent les hommes politiques d’aller à la rencontre du Cameroun profond. On ne gagne pas les élections en allant à Douala ou Yaoundé ou Bafoussam. Les 70% des Camerounais vivent dans les campagnes ; c’est là où ils ne comprennent jamais pourquoi le RDPC les gagne. Tous ces candidats, si je leur demande où se trouve Linté, il y a beaucoup qui vont demander c’est quoi ça.

 

 

Pour moi Akeré Muna est un grand patriote ? Il a, comme son père, une fois de plus sauvé ce pays. En se présentant comme candidat à la présidence, dans un pays en ébullition, il agissait en patriote, c’est vraiment celui que j’aurai voulu soutenir, mais le fait qu’il ne se fasse connaitre que maintenant me cause un problème. Il y a longtemps que je connais ce nom, il était chargé de résoudre les problèmes de la banque leadership, puis on a plus rien appris sur ce dossier.

Le candidat du SDF Osih Joshua est un grand monsieur, un battant, un intellectuel, et un vrai patriote, il mérite toute l’attention du public.

 Biya connait son opposition et son opposition le connait »

Je peux demander aux jeunes de s’intéresser à un leader comme Jean Marie Fomo Ngota. Voilà un jeune qui s’adresse avec simplicité à d’autres jeunes.

En tout cas Biya connait son opposition et son opposition le connait. Je vais raconter une autre anecdote. J’ai représenté le parti d’Adamou Dam Njoya à Douala dans un bureau de vote, lors des élections de 2002. Tous les candidats dans ce bureau avaient leur représentant, chose curieuse lors des décomptes des voix, tous les représentants ont pouffé de rire, pourquoi ? Biya avait eu 99% de voix dans ce bureau. Il y avait eu un bulletin nul, et c’est moi qui l’avait mis ce bulletin. Tous les autres représentants avaient voté PaulBiya, au lieu de voté leur propre parti. Ce jour, j’ai eu une sagesse politique.

 

 

De quoi souffre cette opposition au Cameroun, qui est visiblement incapable à trouver un consensus autour d’un candidat pour challenger Paul Biya apprécié par Paul Kagame ?

Chacun veut  construire sa propre histoire puis entrer dans la légende afin que leurs enfants, plus tard se promènent avec cette médaille. C’est aussi le pluralisme d’idées, et en même temps le carriérisme. Un Paul peut en cacher un autre, le président rwandais aime le Cameroun parce que nous avons accueilli beaucoup de Rwandais pendant leur drame. On les inscrivait gratuitement dans les lycées. Beaucoup sont restés ici, et ils étaient toujours parmi les cinq premiers. C’est un grand peuple que l’Occident a retardé. J’ai apprécié quand il a décidé de ne plus utiliser le français dans leur pays comme langue officielle.

Que pensez-vous du rôle du Cameroun dans la promotion de la libre circulation en zone Cemac ?

Il n’y a que les voyageurs comme nous qui connaissions la valeur de la libre circulation. La première fois que je quittais le Cameroun nous sommes allés par voie terrestre et à la frontière d’Eboro, frontière entre le Gabon et le Cameroun.  J’ai rencontré les gendarmes camerounais en train de bastonner des ressortissants des pays africains alors que ces pays étaient en guerre. Mais nous parlons ici de la CEMAC, il y aura moins de contrainte, moins de brimades. J’ai été intimidé dans les frontières par les Camerounais alors que de l’autre côté on m’accueillait avec dignité. On m’a fait défiler aux pas militaires pour rien, pour après leur donner 5 mille francs alors que j’avais mon passeport. Ah les frontières terrestres, il faut avoir un mental de fer du côté camerounais. Il faut un contrôle éthique parce que si on ne met pas l’éthique dans cette mission, les Gabonais feront vite de se retirer y compris la Guinée équatoriale.

Et ses relations avec le Nigeria ?

Nous, Camerounais – ses vrais enfants- pouvons  être fiers du Nigeria. La présence de l’Armée nigériane doit être saluée et applaudie. Cette présence traduit la volonté du Nigéria de soutenir la paix au Cameroun en tant que puissance régionale. Le Nigéria de par sa stature peut  faire halte à toutes les Nations, et aucun européen  ne peut oser agir en Afrique si le Nigéria dit halte.

 

 

Le comportement du Nigéria est une route pavée de bonnes intentions. Les Nigérians nous a toujours considérés comme des frères. Nos rapports avec ce pays remontent à très loin, surtout avec le football. Lorsque Canon de Yaoundé jouait contre Enugu Rangers, ou Bendel Insurance, c’était de l’adversité excitante ; vous finissez par devenir grand ami avec vos adversaires les plus redoutés. C’est ça la magie du football qu’il faut encourager.  J’ai visité au moins dix grandes villes du Nigéria, et j’étais content, parce que c’est des noms qui sonnaient à  nos oreilles de jeune comme des villes magiques. Le football est le meilleur sport qui rapproche les hommes. On est adversaire mais quand on se retrouve après le match, on se rappelle des souvenirs glorieux. C’est comme deux boxeurs qui se sont affrontés pendant longtemps s’unissent pour la vie. Un vrai Nigérian ne peut jamais faire du mal à un Camerounais et vis-versa.  J’ai fait 4 fois le Nigéria. C’est un pays qui est d’une hospitalité incroyable, légendaire. Il y a beaucoup de Camerounais qui ignorent cela. Un Nigérian n’abandonne pas un inconnu en route. C’est un pays profondément spirituel. On prie beaucoup au Nigéria partout dans les grands carrefours. Les haut-parleurs distillent la musique religieuse ; chaque boutiquier a sa Bible ou son Coran ; et on sent une certaine affabilité dans le paysage.

« Si le président Ahidjo avait fait comme le président Houphet Boigny ou le président Omar Bongo, motivé par la France, de soutenir la division du Nigéria,  le Cameroun serait dans le chaos aujourd’hui »

« Le fait que les militaires nigérians défilent le 20 mai est signe annonciateur d’une alliance politico-militaire.  Le Nigeria en tant que puissance régionale, faisait savoir que si le Cameroun est touché, son cœur sera aussi touché, il interviendra. C’était très symbolique, le cœur qu’ils ont dessiné. »

Le Cameroun a joué un rôle fondamental lors de la guerre biafraise et l’histoire nous a donné raison. Si le président Ahidjo avait fait comme le président Houphet Boigny ou le président Omar Bongo, motivé par la France, de soutenir la division du Nigéria,  le Cameroun serait dans le chaos aujourd’hui.  Ils auront fait l’inverse parce que les hommes politiques sont très rancuniers. Il faut remercier le président Ahidjo et Yacoubou Goyon. Le fait que les militaires nigérians défilent le 20 mai est signe annonciateur d’une alliance politico-militaire.  Le Nigeria en tant que puissance régionale, faisait savoir que si le Cameroun est touché, son cœur sera aussi touché, il interviendra. C’était très symbolique, le cœur qu’ils ont dessiné.

Parlant l’Union africaine dont le président en exercice est Paul Kagame, qu’est-ce qui vous a marqué au cours de ces quatre dernières années ?

C’est inédit, Paul Kagamé est comme le messie de l’Afrique ; le modèle des présidents. Ils sont nombreux comme ça en Afrique qui sont étouffés. C’est un jeune président qui fait vivre  le rêve de Sankara.  Voilà ce qu’on dit : faire la politique autrement. Il est là pour le bien du peuple, c’est un africaniste hors pair et le premier, qui pose des actes concrets. Il a même dit qu’il était prêt à accueillir les Africains oubliés du désert. Quel autre président pouvait le dire en Afrique ? En tout cas il rend la politesse aussi parce que pendant le génocide, les Rwandais étaient bien accueillis partout en Afrique comme dans le monde.

 

 

Une indiscrétion de l’une de vos connaissances nous a informés de votre projet de publier dans les tous prochains jours un livre. De quoi s’agit-il exactement ?

« C’est un récit authentique, où les longues journées sont bien remplies, qu’il s’agisse d’ôter les chiendents des champs, ou arracher des chardons, on se lève avec le jour pour aller couper l’herbe à la rosée, dans le clair matin, et où siffle allègrement des insectes de toutes sortes, aux sons lointains des chants du coucou. »

Il ne s’agira pas des essais politiques, pour l’instant ou de littérature des  scandales. Je publierai dans ce sens un jour. Les gens ont  beaucoup écrit sur la politique. Tout tourne autour des mêmes termes : manque de ceci ou manque de cela. Les gens écrivent  généralement pour se préparer à une carrière politique.  Je veux redonner au public le goût de lire d’abord un livre, le romantisme pur, la vie de tous les jours.  J’ai écrit sur la vie paysanne de l’Afrique. J’ai envoyé le manuscrit dans l’une des plus grandes maisons d’édition de Paris. Il faut habituellement deux à trois mois pour obtenir une réponse ; cinq jours après, on m’a appelé pour venir signer un contrat. C’était émouvant. Je ne savais pas que c’est comme ça qu’on respecte les écrivains.  Tout le staff m’attendait pour voir qui avait écrit une telle œuvre. C’est un récit authentique, où les longues journées sont bien remplies, qu’il s’agisse d’ôter les chiendents des champs, ou arracher des chardons, on se lève avec le jour pour aller couper l’herbe à la rosée, dans le clair matin, et où siffle allègrement des insectes de toutes sortes, aux sons lointains des chants du coucou. Tout petit, je tenais la cadence, et le soir on rentre un bois accroché au dos, avec cette ceinture rare, attendre une chute de pluie soudaine, lorsque s’illuminait dans le ciel l’arc-en-ciel.  Dans tous ces labeurs, il faut être capable de prévoir le temps et connaitre les signes avant-coureurs du changement apporté par les vents, et chacun de nous, partout où il était quelque part dans le monde attaché à son clocher, le soir les veillées, les histoires, les farces souvent cocasses, de la belle Afrique. Bref c’est un livre qui parcourt  le temps, autobiographique mais engagé, un cri de colère, un désenchantement de certaines survivances anachroniques,  un courage, les amis, les souvenirs des villes comme des pays pour les voyageurs que nous sommes,  la légende du  temps passé, écrit dans un style raffiné et exquis, comme aurait fait un romantique du 18ème siècle. Le livre a déjà trouvé également un éditeur aux USA pour la langue anglaise. J’ai très mal quand je vois les choses se dérouler aussi rapidement. Je me demande toujours ce que j’attendais. Mais comme dit mon frère Ronz : chaque chose en son temps.

 

 

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