Pouvoir, affaire métaphysique : Les confidences d’un sorcier sur le cas de l’aéroport de Nsimalen
La plupart des patriarches, chefs de village, tenants de puissance traditionnelle et sociologues s’accordent sur le fait que le pouvoir est une affaire des initiés. Il se passe ou s’arrache la nuit avec l’accord de tous les sorciers, ou du moins la majorité.
« Il serait une erreur pour les uns et les autres de penser que le pouvoir se transmet ou s’arrache le jour. Tout se décide la nuit, c’est à-dire dans la sorcellerie ». Cette remarque d’un patriarche rencontré dans le Nyong et Kellé peut paraitre anodine ou saugrenue car n’ayant aucun lien logique avec la raison.
D’aucuns pourront balayer d’un revers de la main cet argument de poids qui cadre pourtant avec le contexte africain. Le patriarche en veut pour preuve, le combat en sorcellerie livré entre les sorciers de Mbalmayo et ceux du Nyong et Kellé au sujet de l’aéroport qui aujourd’hui se retrouve implanté à Nsimalen.
L’homme raconte que cet aéroport devait être construit dans le Nyong et Kellé. Les sorciers de la ville de Mbalmayo percevant l’importance de l’infrastructure en question, sont allés de nuit l’arracher. Cette aventure nocturne a donné lieu à une bataille sans merci qui s’est soldée par la victoire des sorciers de Mbalmayo.
Cependant, en fuyant avec l’aéroport, ils ont oublié de prendre avec eux le sac d’argent, synonyme d’une intense activité commerciale qui devait se développer autour de cette infrastructure. En partant, les sorciers de Nsimalen les ont vus et leur ont tendu une embuscade dans laquelle ils sont tombés au retour. Un autre combat se serait engagé. Epuisés, les sorciers de Mbalmayo se sont vus arracher à leur tour ledit aéroport. Le sac d’argent étant resté dans le Nyong et Kellé, c’est ce qui explique pourquoi aucune activité commerciale ne se développe autour de l’aéroport de Nsimalen. Il en est de même du pouvoir. Il s’arrache, nous confie-t-il. C’est le moment où les patriarches, les chefs traditionnels et tous ceux qui sont détenteurs d’un pouvoir mystique ou ancestral sont plus que jamais courtisés.
Les résultats des urnes ne sont que l’expression ou la manifestation visible de ce qui s’est décidé la nuit. La victoire peut être arrachée à tout moment au candidat choisi par les initiés, si ces derniers n’y veillent. Explique notre source. C’est un combat permanent même dans la désignation d’un chef traditionnel, dans la nomination d’une personnalité ou d’une élite et même dans le choix des chefs- lieux des différentes unités administratives. Sans oublier la construction des routes ou de certaines infrastructures comme les stades, les écoles et hôpitaux.
La même source fait savoir que dans le cadre d’une élection présidentielle, c’est le « High level » de la sorcellerie. La bataille se livre entre représentants régionaux, qu’il appelle les baobabs. Entre ceux qui veulent conserver le pouvoir et ceux qui veulent l’arracher, la bataille sera rude au soir du 07 octobre prochain.
Un autre patriarche rencontré à Ngoumou, chef-lieu du département de la Mefou et Akono, nous fait cette révélation : « Le tout n’est pas de prendre le pouvoir, l’essentiel c’est de savoir le conserver ». Ce qui explique d’après lui la tournée, région par région effectuée par l’homme du o6 novembre 82 après sa prise de pouvoir. Une tournée qui a fait de lui un roi. Il renchérit en laissant entendre qu’aucune région ne peut détruire ce pouvoir. C’est une émanation de la puissance des 07 provinces l’époque, chacune d’elles ayant ses particularités. Car à l’époque, il était l’enfant bien aimé du pays. Biya partira du Palais d’Etoudi si et seulement si, il est vomi pour les siens.
D’après certains sociologues, ce combat métaphysique est le fruit de l’instinct de conservation. C’est d’ailleurs ce qui traduit ce repli identitaire qui s’observe davantage en cette période électorale. Chaque tribu ou région voulant protéger ou voler au secours de son fils candidat. Ce qui laisse donc sous-entendre que les challengers du candidat Biya auront certainement du pain sur la planche. S’il est vrai que le pouvoir s’arrache « de nuit », c’est une autre équation à résoudre par les candidats de l’opposition.