Proposition du Pr Pascal Touoyem pour sauver le Cameroun de la dérive ethno-fasciste

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 Une Conférence Nationale des Ethnies (CNE) : Sauver le Cameroun de la dérive ethno-fasciste.

 À l’heure de la montée aux extrêmes de l’obscurantisme ethnique et de la manipulation génocidaire de l’ethnicité au Cameroun, le philosophe et anthropologue camerounais, le Professeur Pascal Touoyem, propose une méthodologie appropriée pour sortir de l’impasse : lever enfin le deuil de la République des Citoyens qui n’a été que fiction…, et  esquisser les formes de la nouvelle République des Ethnies pour sortir le Cameroun de l’impasse…

Prof. Pascal Touoyem, Philosophe

 

Point de départ

 

L’Afrique des paradoxes ! Mais de quel paradoxe ? Encore des schémas conçus et véhiculés à dessein, du style images d’Epinal…Mais que n’entend-on pas dire du Cameroun ? Tribalisme Atavique, ethnies irréconciliables et irréductibles les unes les autres ?

Mais a-t-on seulement pour une seule fois posé sans passion et sans préjugé, aux fins d’une plus grande compréhension, la problématique de la réalité camerounaise en général et de la cohabitation ethnique en particulier ?

Le Cameroun passé au scanner laisse pourtant transparaître une réalité dont les démêlées historiques ne présentent pour le chercheur ou pour l’analyste intègre aucune complexité spécifique au-delà du champ scientiste de l’approche anthropologique du peuple.

Ainsi, il apparaît que le Cameroun contemporain n’est que la résultante d’une série de montages et fictions juxtaposés de manière anarchique, irrationnelle, mais intentionnelle les unes, les autres.

Assis sur une idéologie savamment bâtie, véritable travail d’orfèvre, le montage est tissé autour d’un ensemble de code, de geste, de schème, de représentation, de technique de communication (orale, écrite, audio et audiovisuel) et mis en œuvre par l’entregent d’un programme pluriannuel dont l’application résiste à l’épreuve du temps et aux générations successives.

Aimé CESAIRE disait à propos : « je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme ».

L’objectif visé ne fait pas mystère ; ce sont : l’infantilisation, la culpabilisation et l’auto-annihilation du peuple face à son destin.  Ce n’est donc pas étonnant par exemple, si au hasard de la conception, la version originale de l’Hymne nationale du Cameroun comportait le refrain « Autrefois tu vécu dans la barbarie… et, peu à peu tu sors de ta sauvagerie…! » Excusez du peu…

Ce qui revient à dire par souci de simplification, toute chose égale par ailleurs, que sur le plan de l’évolution ethnologique, par approximation donc, il ne serait pas erroné d’affirmer et soutenir que n’importe laquelle de nos grandes ethnies rassemblées en strate homogène (peuhl, fang, haoussa, arabe dit chaos, etc…) dans des aires géographiques distinctes, s’apparenterait aujourd’hui à ce qu’on a coutume d’appeler selon le cas, français, italien, suédois, anglais, allemand, etc… et j’en passe.

S’il est un constat implacable à poser sur le Cameroun d’aujourd’hui, c’est l’échec cuisant de l’expérimentation in vitro de la République des citoyens, corollaire de l’Etat-nation dont on aura, à tort, bien tarder la levée du deuil.

On ne dira pas non plus, vive la République des ethnies, parce que, depuis les terribles migrations parties des profondeurs de la vallée du Nil du fait de l’effondrement de l’épicentre pharaonique autour duquel se stabilisaient les grands empires nègres, l’Afrique des ethnies (nationalité) n’a jamais cessé d’être réalité.

Au Cameroun et c’est valable pour toute l’Afrique à peu de chose près – l’Etat-fiction entraîne la fictivité de la société et de la nation. Les termes « unité nationale », « intégration nationale », « ethnie-refuge », « intérêt supérieur de la nation et de l’Etat », s’ils ne constituent pas un abus de langage, ne sont d’autres que des termes de pure commodité utilisés pour la circonstance.

Conférence Nationale des Ethnies (CNE) : Une urgente nécessité

L’Etat, la Nation, la République, c’est l’Ethnie dans une confusion dont seul le Cameroun en détiennent le secret ; dès lors, on est fondé à comprendre que le Camerounais (e) – encore que c’est un euphémisme – ne se reconnaît qu’en son Ethnie-Nation.

Et c’est notamment au niveau de la gouvernance que se cristallisent toutes les contradictions générées par cette superposition de structure occidentale et africaine.

C’est ainsi que quand on gère le pouvoir au Cameroun, on entend par intérêt supérieur de la nation, l’intérêt supérieur de l’Ethnie-nation au mieux, ou de la Région-nation, Tribu-nation, Clan-nation ou Famille–nation. Il en est de même de la notion de « bien public », de « chose publique », mais de quel public s’agit-il ? – Voilà autant de subtilité qui trahit ce dualisme sociologique et qui donne faussement l’impression que l’Afrique tourne en rond.

On est toujours et même d’abord citoyen de son ethnie-nation et accessoirement pour des besoins de commodité internationale, de nationalité fictive de l’air géographique d’appartenance. Ainsi, l’accaparement du Pouvoir et sa gestion exclusive au profit de sa nationalité, bien qu’apparemment en contradiction avec les exigences de l’Etat-nation placardé, obéit à une logique qui ne choque que l’analyste pas au fait des réalités psycho-sociales africaines, ou conditionné par la vision occidentale de l’ordre international du monde et/ou par la théorie de la prééminence de la civilisation dominante sur le reste du monde.

Toujours à titre d’illustration, l’analyse structurelle et sémantique de la nouvelle loi fondamentale a permis de mettre en exergue toute une série de construction supposée de prime abord, mais contradictions qui matérialisent en fait la gestion impossible d’une double réalité sociologique qui se voudrait concomitamment dynamique.

Ainsi, les grandes articulations et charpentes de la nouvelle Constitution se sont voulues moderne et conformes peu ou prou à la demande de l’Etat-nation Cameroun, tel que conçu et imposé par les colonisateurs – Cependant, certains articles et sous-entendus, les faits étant têtus, introduisent en filigrane dans la même Constitution, la rendant quasi-inapplicable, des données d’inspiration africaine, témoins s’il en faut, de la lutte farouche qui oppose le vécu africain au modèle importé, dépaysé.

Les « Camerounais » se reconnaissent difficilement dans les lois, difficilement dans les institutions ainsi que les personnes qui les incarnent, à moins qu’elles ne soient frères de l’ethnie-nation assimilée.

On a dans cet élan observé avec intérêt pour l’analyse et l’appréhension sociologique, des ministres et autres dignitaires de la « République », originaires d’une certaines ethnie-nation, prendre publiquement fait et cause pour leur ethnie-nation au détriment de l’habillage  République que la fiction aurait souhaité qu’ils représentent et défendent.

Que les médias d’Etat les ai relayé à renfort de reportage et manipulation de toutes sortes, ce qui se serait assimilé ailleurs à de la haute trahison, traduit simplement l’état d’enlisement que traduit aujourd’hui nos sociétés.

En conséquence, l’Etat-fiction, induisant la citoyenneté et la nationalité fictives, on a assisté ces derniers temps au Cameroun, à la résurgence des revendications sur des points essentiels tels la représentativité des ethnies dans les instances dirigeantes, la remise en cause du régime foncier, donc de la libre circulation et libre établissement des personnes et des biens, revendications qui confirment si besoin en était, de l’état d’effondrement des derniers mythes de l’Etat-nation et de la suprématie éternelle de la réalité africaine, qu’on se fourvoierait à vouloir toujours ignorer.

Ce n’est pas la destruction du type « Mur de Berlin » que nous entamons en Afrique par ce plaidoyer ; des Africains parmi les plus éminents et illustres  avaient pris fait et cause pour l’érection et la perpétuation de l’Etat-nation ; certains, par conviction y ont cru au point de se laisser prendre dans le piège de l’apparence et de la réverbération.

Le feu Président AHIDJO, dont la prudence dans l’approche et la gestion de la chose publique était pourtant légendaire, partisan convaincu de l’Etat-nation, avait fait voter les lois dans ce sens, dont certaines apparaîtraient aujourd’hui révolutionnaires, vu l’effritement voir l’effondrement de l’édifice. D’ailleurs, la désignation de son successeur constitutionnel en dehors de son ethnie-nation, au-delà des arrières pensées politiques et autres, fut un vibrant témoignage de sa totale croyance en l’unité nationale, à la fois mythique et sans ethnie.

AHIDJO, que d’aucuns n’ont pas hésités à l’occasion, de qualifier « d’animal politique, grand patriote et aimant son pays ».

Enfin, l’Afrique connaît des convulsions qui impliquent des solutions plus structurelles que conjoncturelles.

Au Cameroun, sans aucune exagération, les risques de dérapage sont importants et sérieux, il ne serait pas alarmiste d’affirmer que les principales ethnies-nation ne sont pas loin de se rentrer dedans.

Alors que depuis des lustres, les dénonciations, les contributions moralisatrices, les appels à la tolérance des uns et des autres sont restés pratiquement sans effet, devant cette impasse, n’est-on pas en droit de s’interroger sur la pertinence du diagnostic et partant de la thérapeutique subséquente ?

Pourquoi donc avoir peur des mots ? Pourquoi ne pas l’appeler par son nom ? Tout en rassurant les uns et les autres, ne pensez-vous pas que le temps est enfin venu ? Le temps de nous asseoir et de discuter sereinement de nos problèmes qui sont légion ?

Après avoir demandé le sens élevé qu’ils attachent à la paix et au refus pour l’autodestruction à la rwanda-urundaise malgré les manipulations,  qu’attendent les peuples du Cameroun pour enfourcher le cheval de leur propre destin, inévitablement commun ?

La Conférence Nationale des Ethnies, oui, le mot est sorti avec tout son magnétisme et son carcan de passions, personne nous l’espérons, ne se précipitera cette fois ci utilement d’ailleurs, pour déclarer « sans objet ». La Conférence Nationale des Ethnies, disions-nous, pourrait-être cette instance solennelle, un retour aux sources, à la palabre africaine.

La palabre africaine permettra à toutes les composantes de discuter librement des problèmes tels que la forme de l’Etat et les conditions de cohabitation au sein du futur Etat.

Conférence Nationale des Ethnies (CNE) : Ordre du jour

 La Conférence Nationale des Ethnies inscrira à l’ordre du jour entre et autres, les thèmes liés à la préservation des identités, des cultures ou civilisations. On débattra de l’échange intercommunautaire, de la nature de cet échange.

Le débat sur la forme de l’Etat déterminera comment former au mieux les contradictions inhérentes aux différentes cultures, aux intérêts centrifuges nés de l’évolution des échanges, aux questions foncières.

La question du pouvoir sera un centre d’intérêt capital ; il s’agira non seulement de déterminer les conditions de la gestion du dit pouvoir, mais aussi de quantifier la part de contributions effectives de chaque composante au bien-être et à la prospérité collective.

Des approches prospectives révolutionnaires pourraient par exemple envisager la solution dislocation qui impliquera l’apurement des fictions actuelles suivie de la reconstitution des grands ensembles plus homogènes sur des bases à définir.

La Conférence Nationale des Ethnies, instance normative et représentative par excellence des peuples souverains, devrait contribuer face aux blocages, à l’enlisement et au risque  de dérapage, à sauver le Cameroun de la dérive ethno fasciste programmé par les partisans du tout ou rien.

La Conférence Nationale des Ethnies, solution endogènes au principal fléau camerounais, ouvrira la porte à une véritable Révolution Culturelle et à l’éclosion d’une nouvelle Afrique prête à relever les défis du prochain millénaire et à prendre le cas échéant, et sans complexe, la relève de ses Grandes civilisations aujourd’hui prédominantes qui, pour avoir atteint le « stade fini » de l’humanité, ont amorcé inexorablement leur phase d’autodestruction ; on parlera d’implosion, comme Carthage, Pompéi, Rome ou Inca.

 

Prof Pascal Touoyem

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