Cameroun: Le gouvernement demande à la presse d’abolir les appels à la haine tribale
C’est l’un des principaux appels du ministre camerounais de la Communication René Emmanuel Sadi lors des échanges avec les patrons des entreprises de presse à capitaux privés à Yaoundé.
Discours du ministre de la Communication face à la presse privée le 20 juin 2019
Mesdames et Messieurs les Responsables des Entreprises de Presse ;
Mesdames et Messieurs les Directeurs de Publication ;
Mesdames et Messieurs les Promoteurs des Chaînes de Radiodiffusion ;
Mesdames et Messieurs les Promoteurs des Médias Cybernétiques ;
Distingués Invités ;
Mesdames, Messieurs ;
Je vous remercie d’avoir répondu, si nombreux, à l’invitation que je vous ai adressée, pour prendre part à cette rencontre, la première du genre que j’ai vivement souhaitée depuis ma nomination à la tête du Ministère de la Communication, avec les protagonistes majeurs de la scène médiatique, celles et ceux qui donnent sens et vie à l’espace et à la mouvance démocratiques. Aussi m’est-il agréable de vous souhaiter une chaleureuse bienvenue dans cette salle auditorium du Ministère de la Communication.
Mesdames, Messieurs ;
Depuis plusieurs décennies, le président de la République, Son Excellence Paul Biya, s’emploie, avec le peuple camerounais, à construire méthodiquement, inlassablement et irréversiblement, les meilleures rampes d’accès au plein épanouissement de la liberté d’expression et de la liberté de la presse au Cameroun qui sont les socles essentiels d’une véritable société démocratique.
Notre pays s’est ainsi résolument engagé dans un processus de démocratisation et de promotion des libertés fondamentales, plus particulièrement, la liberté de la presse, clairement marquée par le pluralisme médiatique, avec une grande liberté de ton. S’agissant précisément du pluralisme médiatique, force est de relever, pour s’en féliciter, la multitude des supports multimédias qui animent l’espace médiatique national, à savoir :
– 30 chaînes de télévision ;
– Plus de 200 chaînes de radiodiffusion commerciales et communautaires ;
– Plus de 600 organes de presse écrite.
A cela s’ajoute un nombre tout aussi considérable d’opérateurs de télédistribution et de médias en ligne qui alimentent aujourd’hui un secteur cybernétique, et donc une toile Internet, des plus effervescentes en Afrique.
Le reflet et le large écho de cette forte tonalité médiatique, transparaissent au quotidien, d’un champ audiovisuel et cybernétique camerounais qui foisonne d’émissions de débats contradictoires, traitant de tous les sujets touchant à la vie nationale et internationale, et portant sur des problématiques aussi multiples que variées.
Une scène médiatique qui dispose également d’une presse écrite tout aussi riche et dont on peut apprécier au fil des ans, à la fois la qualité et la quantité.
Le Gouvernement de la République, par ma voix, exprime sa satisfaction face à ce foisonnement de la presse nationale, et particulièrement, à l’adresse de ceux des Promoteurs et des professionnels des médias qui ont à cœur de préserver et de conforter ces acquis, et qui s’emploient à mettre un point d’honneur au respect des 5 fondamentaux de cette noble profession qu’est le journalisme.
Ce constat établi, constat plutôt satisfaisant, il convient à présent qu’ensemble, nous procédions sans complaisance, à un diagnostic global du paysage médiatique national. En effet, la presse camerounaise, nonobstant sa pluralité de tons, sa grande diversité et son abondance éditoriale, semble malheureusement s’écarter, par endroits et à certains moments, de sa mission essentielle, qui se résume à ce triptyque : l’information des populations, l’éducation et le divertissement des masses.
Dans le même ordre d’idées, face aux multiples enjeux sécuritaires et socio-politiques auxquels le Cameroun est confronté à l’heure actuelle, et devant la récurrence des dérives médiatiques observées çà et là, en violation flagrante, non seulement, de l’éthique et de la déontologie journalistiques, mais aussi, du principe professionnel qui sacralise les faits, un autre constat s’impose à la communauté nationale toute entière, selon lequel, la presse camerounaise, jour après jour, tend à s’enliser dans les déviances des appels à la haine de l’autre, de l’apologie de l’irrédentisme et des replis identitaires qui sont autant de dangereux catalyseurs du tribalisme.
A cette allure, si l’on n’y prend garde, notre presse pourrait à terme, faillir à l’important rôle qui est le sien, de relais et de promoteur de nos idéaux de paix, d’unité et d’intégration nationales.
Les axes du discours médiatique au Cameroun, lorsqu’ils sont teintés de manipulation et de désinformation, d’allégations non fondées, voire d’atteintes systématiques aux valeurs de la Nation et de la Mère Patrie, contribuent incontestablement à la désorientation de l’opinion publique nationale.
Or, la presse camerounaise doit continuer d’inspirer confiance. Il s’agit là d’un impératif irréductible auquel il n’est guère possible de satisfaire si les professionnels eux-mêmes n’ont cure de leur crédibilité, de leur respectabilité et partant de leur responsabilité.
Il faut le dire, le Cameroun a besoin d’une presse crédible et responsable, qui sache prendre en compte et faire siennes, les exigences, les enjeux et les valeurs fondamentales de la Nation, pour la préservation de notre équilibre global. A cet égard, il y a lieu de rappeler à tous les professionnels des médias exerçant le métier de journaliste sur le territoire national, que s’il ne saurait y avoir de démocratie sans liberté de la presse, il ne peut non plus y avoir de liberté de la presse sans responsabilité du journaliste.
Par ailleurs, il faut le dire aussi : le journaliste est avant tout un citoyen.
Comme tel, il doit se sentir interpellé par les grands enjeux de la Nation, et, en l’occurrence, par l’aspiration profonde des Camerounaises et des Camerounais à vivre en paix, à vivre en harmonie, en bonne intelligence les uns et les autres, en faisant de la diversité qui caractérise notre pays, le vrai socle de son unité et de sa richesse.
C’est donc le lieu de dénoncer voire de stigmatiser l’attitude complètement irresponsable et inadmissible des opérateurs de certains organes de presse écrite, audiovisuelle et cybernétique, qui ont choisi 8 délibérément et de façon continue, de pratiquer le métier de journaliste en marge des canons de la profession et des valeurs de la République. L’incompréhension et l’indignation de nos compatriotes sont par exemple, toujours aussi grandes, chaque fois qu’une télévision, une radio, un journal de presse écrite ou cybernétique, commet des déclarations ou des écrits ostensiblement dirigés contre les Forces Nationales de Défense et de Sécurité, alors même qu’exposés chaque jour, jusqu’au sacrifice de leurs vies, nos braves et héroïques militaires, gendarmes et policiers méritent de la part de la Nation, soutien, gratitude et reconnaissance.
Par ailleurs, l’opinion publique nationale a bien noté que depuis de longs mois, certains médias nationaux se sont constitués en une véritable presse militante, au service de courants anti-républicains, multipliant de ce fait des contre – vérités, ainsi que des dérapages malencontreux, le tout, à travers une violence verbale inadmissible, ou, des écrits incendiaires, prônant à la fois la haine tribale, les troubles à l’ordre public, voire l’insurrection sociale.
D’aucuns se posent alors de plus en plus la question de savoir si c’est cela qu’il faut attendre d’une presse responsable dans un Etat démocratique ?
La réponse est non !
Le professionnel des médias se doit d’avoir en esprit que la délicatesse de sa mission de relais sociétal, lui impose de toujours veiller à être au-dessus de la mêlée, en toute neutralité et en toute impartialité, à l’effet de parvenir à apporter aux populations des informations d’une absolue véracité.
Dans l’optique de mieux accomplir son devoir d’information, de sensibilisation, de formation et de divertissement des masses, dans un environnement national qui en a plus que jamais besoin, le journaliste doit éviter de « faire de la politique sous les oripeaux du journalisme !» Au regard de ces tendances qui dénaturent cette noble profession, je me permets d’exhorter tous les acteurs médiatiques à un sursaut professionnel, moral et citoyen !
J’en appelle vivement au sens de responsabilité, au respect rigoureux des prolégomènes du métier de journaliste, des valeurs de paix, de cohésion sociale et du vivre-ensemble, dans le travail de diffusion ou de publication des informations.
Qu’on se comprenne cependant : je stigmatise les dérives, j’interpelle votre conscience et votre responsabilité collectives, mais, je ne vous lapide pas, loin s’en faut, car j’ai aussi conscience de vos desiderata.
Le Gouvernement, a pris la pleine mesure des difficultés auxquelles la presse camerounaise fait face, particulièrement, les problèmes liés à la précarité économique des médias et à la pénibilité des conditions de travail des journalistes.
Pour ma part, je puis vous assurer que les différents écueils dûment identifiés, ceux relatifs notamment à l’inaccessibilité de vos organes de presse aux sources d’information gouvernementale, sont en train d’être levés.
En effet, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, vient de marquer son accord pour la mise en place d’une plateforme rénovée de la Communication Gouvernementale, destinée à assurer, outre une meilleure coordination des mécanismes de collecte et de centralisation des informations d’origine institutionnelle, une mise à disposition plus fluide et davantage proactive desdites informations.
Par ailleurs, j’exhorte solennellement toute la presse nationale à envisager, autant que possible, l’organisation de la profession de journaliste au Cameroun. Car, de tous les corps socio-professionnels à l’échelle du pays, cette profession est l’une des rares à présenter un tel déficit d’organisation interne.
S’agissant des questions liées à la régulation des activités de la presse au Cameroun, j’émets ici, une fois de plus, le vœu qu’à côté de la régulation qu’assure le Conseil National de la Communication, les professionnels des médias puissent se pencher résolument sur l’idée de la mise en place d’un système d’autorégulation professionnelle.
C’est par cette voie, j’en suis convaincu, que nous parviendrons à atteindre un seuil de responsabilité optimal, qui contribuera sans aucun doute, à limiter les recours aux procès et aux poursuites contre les journalistes devant les instances judiciaires.
Pour sa part, le Gouvernement ne ménagera aucun effort pour œuvrer dans le sens de la promotion d’un paysage médiatique national, à la hauteur des attentes des citoyens, et bien évidemment dans le respect des principes majeurs qui régissent ce secteur dont l’importance n’est plus à souligner. De
même, toutes les entreprises de presse et autres unités médiatiques, se doivent elles-mêmes de respecter le cadre normatif inhérent à l’exercice de leurs activités.
Je dois rappeler, à toutes fins utiles, qu’à la date d’aujourd’hui, aucune entreprise de presse audiovisuelle, aussi bien en télévision qu’en radio, n’est en règle, s’agissant notamment des conditions d’accès à l’exercice de leurs catégories de métiers. La tolérance administrative, facilité initialement accordée par le Gouvernement à tous les médias audiovisuels à capitaux privés, dans un souci de flexibilité et d’accompagnement progressif vers la performance, mais curieusement indexée et décriée par certains comme étant, au contraire, une épée de Damoclès suspendue sur la presse audiovisuelle nationale, ne sera plus de mise, dès lors que le socle règlementaire découlant de la loi N° 2015/007 du 20 avril 2015 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun sera complété par des textes d’application.
J’engage donc d’ores et déjà tous les promoteurs des médias audiovisuels à prendre les dispositions nécessaires à leur mise en conformité avec la réglementation en vigueur.
Mesdames, Messieurs les Responsables des Entreprises de Presse ;
Mesdames, Messieurs les Directeurs de Publication ;
Mesdames, Messieurs les Promoteurs des Chaînes de Radiodiffusion ;
Mesdames, Messieurs les Promoteurs des Médias Cybernétiques ;
Distingués Invités ;
Mesdames, Messieurs ;
Avant de clore cette communication de circonstance, je tiens à assurer les promoteurs et professionnels des médias nationaux de la disponibilité du Gouvernement à continuer de leur apporter tout l’accompagnement qu’ils sont en droit d’attendre, pour un exercice optimal de leur métier.
Ce dont il s’agit, à tout prendre, c’est d’inscrire les relations entre le Gouvernement de la République et les acteurs des médias dans une optique de partenariat, où chaque partie prenante doit jouer sa partition, pour que triomphent les idéaux de liberté et de démocratie, mais ceci, avec une exigence constructive de responsabilité et de citoyenneté.
Je vous remercie de votre aimable attention.