Le regard de Faustin Etouke sur le Mouvement du 5 Juin et les Gilets Jaunes en France
Il y a dix (10) ans, en 2010, à l’Université de Yaoundé 2, dans le cadre de l’Unité d’Enseignement GÉO-SCIENCE POLITIQUE, le Professeur NTUDA EBODE a fait plancher toute ma promotion sur l’étude approfondie de l’ouvrage intitulé…« Le soldat africain et le politique : essais sur le militarisme et l’Etat prétorien au sud du Sahara »…
…Ouvrage qui explique pourquoi, depuis la période des indépendances jusqu’à la fin de la guerre froide, c’est-à-dire sur la période de la trentaine d’années qui va de 1960 à 1990, IL Y A EU ENVIRON UN (01) COUP D’ÉTAT TOUS LES SIX (06) MOIS en Afrique subsaharienne!
L’ouvrage explique que, dans le milieu militaire africain, il y a une propension marquée à la revendication, et que cette propension se nourrit et grandit d’elle-même, puisque les militaires obtiennent toujours gain de cause. L’ouvrage présente quatre (04) formes progressives de revendication militaire :
LA PÉTITION
Action pacifique et légale qui vise l’autorité publique, en évitant la voie hiérarchique. Ce fut notamment le cas, lorsqu’au sortir de la seconde guerre mondiale, les anciens combattants africains commencèrent à revendiquer l’égalité de traitement avec leurs homologues européens.
LA PROTESTATION
Action plus ou moins pacifique, mais extra-légale, qui émane de petits groupes. Ici, les revendications concernent des aspects comme l’habillement et d’autres petites gratifications. Par exemple, en 1951, un groupe d’anciens combattants nigérians, furieux de se voir requis de payer leurs impôts (alors qu’ils étaient au chômage), s’emparèrent du contrôle d’Umahia (ville à l’est du Nigéria) pendant plusieurs jours.
LA MUTINERIE
Niveau de durcissement des revendications, souvent assimilée à la grève dans le contexte africain. Ici, les doléances concernent des aspects plus sérieux de la vie militaire tels que, l’augmentation des soldes et des traitements, l’accélération du rythme des promotions, l’africanisation totale du corps des officiers. C’est ainsi que la Force Publique de l’ex-Congo belge s’est mutinée en vue de promouvoir l’Armée Nationale Congolaise ;
LE COUP D’ÉTAT
A proprement parler ce niveau ne correspond plus vraiment à des revendications, puisqu’ici, les militaires s’approprient purement et simplement la direction des affaires publiques… Mais bien sûr, à chaque fois que les militaires prennent le pouvoir, il y a un habillage cosmétique, puisqu’ils vont évoquer la mal-gouvernance et la corruption, se présentant comme des gentils qui viennent restaurer une situation devenue chaotique !
Ce qui vient d’être dit plus haut, est destiné à éclairer la lanterne de ceux qui pensent que le Coup d’État au Mali, est d’une quelconque pertinence pour l’institutionnalisation des mœurs républicaines dans ce pays d’Afrique subsaharienne…
Et à titre de comparaison, ainsi que me l’a suggéré un brillant universitaire camerounais, l’Enseignant-Chercheur Gustave MABIAMA, à aucun moment dans la société française, au plus fort des manifestations spectaculaires des gilets jaunes, l’idée d’un coup d’État n’a germé dans l’esprit des militaires français, sous le prétexte de venir rétablir l’ordre en France…
Oui en effet, qu’il soit bien compris que le coup d’État malien est un sévère recul institutionnel, aussi bien pour le Mali, que pour l’Afrique subsaharienne, parce que voilà quelque chose qui démontre à la face du monde, que nous sommes incapables de nous inscrire dans un projet sociétal à moyen terme, NE RÉUSSISSANT PAS À ACCEPTER DES INSTITUTIONS FORTES, mais étant encore enclins à laisser prospérer le joug des hommes forts…
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Au demeurant, et pour ne rien exagérer, car il s’agit aussi de ne pas paraître comme ces Pharisiens qui sont prompts à voir la paille dans l’œil de leur prochain, mais qui sont incapables de voir la poutre dans leurs yeux, IL FAUT DIRE QUE SI, ICI AU CAMEROUN, L’HYPOTHÈSE D’UN COUP D’ÉTAT N’EST NULLEMENT ENVISAGEABLE, ce n’est point parce que nous avons déjà atteint un suffisant niveau d’institutionnalisation des mœurs républicaines, mais bien plutôt parce que le statut socio-économique des militaires camerounais est de loin supérieur à celui des autres corps de métiers, et çà, qu’on le veuille ou pas, c’est bâtir sur du sable…
© Faustin Etouke,
— Président du Cercle Culturel Inter-Académique
— Diplômé du génie industriel
— Enseignant honoraire de science politique
— Théologien
E-mail : faustinetouke@yahoo.fr