Maurice Kamto : La décentralisation inscrite dans la Constitution depuis 24 ans, n’a jamais vraiment commencé

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Déclaration de Maurice Kamto : “La décentralisation qui, bien qu’inscrite dans la Constitution du Cameroun depuis 24 ans, n’a jamais vraiment commencé”

 

 

 

DECLARATION SUR LES ELECTIONS REGIONALES DU 06 DECEMBRE 2020

De manière récurrente, le Mouvement pour Renaissance du Cameroun (MRC) a informé en son temps l’opinion publique nationale et internationale qu’il refusait de prendre part aux élections législatives et municipales de cette année, en l’absence d’une réforme consensuelle du système électoral et la résolution politique de la crise anglophone, à commencer par la cessation de la guerre fratricide qui ravage les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest du pays.


Fidèle à son mépris génétique, le régime de Yaoundé n’a pas daigné accorder la moindre attention à ces exigences de bon sens et a convoqué le corps électoral pour le 09 février 2020. Tirant les conséquences qui s’imposaient, le MRC a lancé un appel au boycott du double scrutin législatif et municipal du 09 février 2020, massivement suivi par le peuple camerounais. Le taux d’abstention historiquement bas et sans précédent a frappé d’illégitimité l’ensemble de ces élections et par conséquent ses résultats.

 

 

 

L’histoire retiendra, notamment, qu’en dépit d’une guerre civile désastreuse et regrettable à tous points de vue, ayant pour conséquences, entre autres, de nombreux morts et des déplacements massifs des populations hors des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest anglophones, le régime-RDPC ne s’est pas privé de s’y fabriquer des élus et des majorités, sur le sang des Camerounais.
Loin de tirer les leçons de ce désaveu, le régime a organisé, le 06 décembre, des « élections » dites régionales. Cet autre passage en force censé parachever la décentralisation qui, bien qu’inscrite dans la Constitution du Cameroun depuis 24 ans, n’a jamais vraiment commencé, dévoile davantage la nature autocratique du régime de M. Biya tout en renforçant son caractère monolithique hérité de la période du parti unique.
Le déroulement de ces « élections » régionales a démontré par ailleurs que, malgré ses incantations, le régime demeure incapable ou peu soucieux d’assurer la sécurité des citoyens.

Le 6 décembre 2020 a ainsi vu l’assassinat d’un conseiller municipal à Widikum, quelques semaines seulement après les tueries perpétrées au sein du complexe scolaire Mother Francisca International Bilingual Academy de Kumba et d’autres exactions qui ont suivi.
En l’état, il y a peu à attendre des conseils régionaux issus du scrutin du 06 décembre. D’abord, au regard de la recrudescence des activités armées dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis le fameux Grand Dialogue National qui a annoncé un statut spécial pour ces deux régions, tout porte à croire que ces élections régionales ne règleront pas la crise anglophone.

 

 

Ensuite, en plus de servir d’habillage pseudo-démocratique à l’intention de ce qui reste encore d’amis extérieurs au régime en place, les conseils régionaux demeureront inféodés au système qui les a créés et incapables de répondre aux attentes des populations camerounaises de quelque région que ce soit, qu’ils sont supposés représenter et servir.

Encore faut-il d’ailleurs que le pouvoir central accepte, en pratique, de transférer aux régions les ressources nécessaires à la conduite de leurs programmes de développement. Car pour contrôler les régions, le pouvoir voudra contrôler les ressources qui du reste se raréfient et que les gestionnaires centraux ne voudront pas perdre, comme l’a montré l’expérience de la décentralisation communale.

En somme, la mascarade du 06 décembre 2020 ne changera en rien le quotidien du peuple camerounais, dont les aspirations profondes ne se réaliseront manifestement pas sous le régime dictatorial actuel. Le peuple camerounais aspire :

– à la paix sur l’ensemble du territoire national, avec en priorité la résolution de la crise anglophone, notamment par l’instauration sans délai d’un cessez-le-feu et l’ouverture d’un véritable dialogue politique national inclusif ;

– à se doter de dirigeants politiques légitimes ; cela requiert une réforme consensuelle du système électoral, qui, en l’état, garantit les fraudes massives et la perpétuation au pouvoir de dirigeants illégitimes, cause principale des tensions et crises post-électorales dans notre pays.

 

 

Malheureusement, sous Monsieur Biya, demander que cesse de couler le sang des Camerounais dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest et revendiquer de manière pacifique que soit respecté le droit fondamental des Camerounais à se doter de leaders politiques légitimes constituent désormais des crimes parmi les plus graves de notre ordonnancement juridique, puisque de telles revendications peuvent conduire à des poursuites exposant à la peine de mort devant les Tribunaux militaires.

Ainsi, malgré le caractère exemplaire des marches pacifiques du 22 septembre 2020, les forces répressives du régime autocratique de Yaoundé ont fait usage de la force contre les manifestants pacifiques, et procèdent depuis lors à une épuration politique caractérisée par les enlèvements, la détention arbitraire et même la condamnation à des peines de prison de responsables et autres militants du MRC, voire des partis politiques et organisations alliés.

N’eût été le caractère dramatique des choses, on aurait relevé l’ironie du fait que le « mendiant de la paix » doublé de « pourvoyeur de la démocratie », ait ramené le Cameroun vers les pages les plus sombres de la répression politique de l’histoire de notre pays. La démonstration de la barbarie qui a entouré ces marches pacifiques du 22 septembre, couplée à la séquestration à grand renforts de policiers et de gendarmes lourdement armés du leader du MRC et de sa maisonnée pendant près de trois mois, avaient donc pour seul but de permettre au régime de tenir cette mascarade d’élections et de crier victoire sur les forces dites « insurrectionnelles » ! Piteux spectacle et piètre satisfaction ! Nouvelle souillure de l’image du Cameroun.

 

 

 

Les Camerounais doivent être conscients qu’avec la violence d’Etat liée aux marches pacifiques du 22 septembre, le régime dictatorial de Yaoundé vient de franchir un nouveau cap qui ouvre la voie au totalitarisme : désormais, des Camerounais peuvent être arrêtés arbitrairement, torturés cruellement, jetés en prison sans coup férir, en fonction « de la menace qu’ils représentent pour la société », comme le révèle le Communiqué du Gouvernement daté du 08 décembre. C’est un comble !

L’arbitraire et l’illégalité fondés sur des forces répressives aveuglées par la haine et une justice ensauvagée mise à contribution triompheront un moment, mais ne seront pas victorieux.
Nous exigeons la libération immédiate et sans condition de  tous les prisonniers politiques que sont les honnêtes citoyens camerounais arrêtés avant, pendant et après les marches pacifiques du 22 septembre 2020 et détenus de manière arbitraire et illégale depuis lors dans diverses prisons et autres lieux de détentions inconnus du pays ; y compris le Professeur Alain FOGUE TEDOM, Trésorier national du MRC, M. Olivier BIBOU NISSACK, Conseiller et porte-parole du Président national du MRC, M. Pascal ZAMBOUE, Coordonnateur chargé du Développement et de l’Inspection du MRC.

 

 

La misère des Camerounais de toutes régions, la non-satisfaction de leurs besoins sociaux élémentaires que sont l’accès à l’eau potable, l’électricité et les soins de santé de base, le recul économique de notre pays marqué notamment par détricotage du tissu industriel n’autorisent aucun répit dans notre lutte politique. Jusqu’à ce que nous parvenions à destination, la Résistance nationale va se poursuivre et s’intensifier ; car rien n’a jamais arrêté et n’arrêtera un peuple debout, en marche pour sa libération. Le chemin peut sembler long ; mais la victoire est certaine. Nous devons rester plus que jamais mobilisés.

 

Fait à Yaoundé, le 09 décembre 2020

Le Président national

Maurice Kamto

 

 

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