Nisrine Imane Mahamat Senoussi Adam Al Amine, un visage sur lequel le Tchad doit compter

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Nisrine Imane Mahamat Senoussi Adam Al Amine : un visage sur lequel le Tchad doit compter

Doctorante en droit à l’Université Duguit de Bordeaux IV, titulaire d’un Master II en droit des affaires et fiscalité d’entreprises (Université Bordeaux IV) et d’un Master II en Administration Générale des Entreprises (Institut ’Administration des Entreprises de Bordeaux – I.A.E), Nisrine Imane Mahamat Senoussi Adam est actuellement associée gérante du Cabinet d’audits et conseils « Legalis Consulting » et Présidente de la récente création du Think Tank « South Union Foundation ».

 

 

Elle est une figure de proue de la jeunesse tchadienne, et connue aujourd’hui pour son engagement sur les questions cruciales relatives au défi électrique et au développement économique et industriel du Tchad et des pays africains en général.

Tchadienne de père originaire de l’historique région du Ouaddaï, marocaine de mère, née au Sénégal et ayant grandi en France, elle figure parmi les plus belles représentations d’excellence du Tchad émergent et dynamique et de cette Afrique en devenir.

Elle débute sa carrière dans grands cabinets d’audits et de conseils internationaux à Paris (Groupes Deloitte et PricewaterhouseCoopers). Panafricaine chevronnée, elle décide, il y a dix ans, de poursuivre son expérience au Tchad, pays de ses ancêtres et des royaumes anciens, et d’apporter sa modeste contribution à l’effort de construction du pays au travers de ses compétences, sa vision personnelle du monde en tant que fille de la diaspora africaine aux confluents des cultures.

Passionnée par les thématiques politiques, économiques et sociales des pays d’Afrique, évoluant au fil des années à travers son vécu sur le continent, Elle initie une action citoyenne « l’électricité au cœur de tous les défis du Tchad et du continent », faisant de l’électrification, et plus généralement du développement économique le fer de lance de ses activités de conseils.

« L’électricité au cœur de tous les défis du Tchad et du continent »

Convaincue par le positionnement géostratégique et géopolitique du Tchad et son rôle primordial dans la lutte contre le terrorisme sur le continent, elle reste persuadée que « le Berceau de l’Humanité » doit jouer sa partition à l’effet intégrateur en matière économique pour renforcer la lutte pour la paix et la stabilité dans la sous-région.

Elle nous expose de manière décomplexée son avis objectif sur la situation et les enjeux politico-économiques du Tchad à l’heure de la Transition Militaire polémique, faisant suite au décès du Maréchal Idriss Déby Itno, Président de la République du Tchad, survenu officiellement le 20 avril 2021.

 

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Dans un contexte particulier de l’instauration d’un Conseil Militaire de Transition (CMT) au Tchad, présidé par Mahamat Idriss Déby Itno, à la fois controversé et légitimé par la majorité de la communauté internationale pour le maintien d’un ordre sécuritaire en Afrique jugé prioritaire, le nouveau Gouvernement de Transition représenté par le Premier Ministre Pahimi Padacké Albert a présenté et fait adopté le 14 mai dernier son programme politique devant l’Assemblée Nationale bien que dissoute par principe après prise du pouvoir par le CMT le 20 avril 2021.

Ce programme politique large et ambitieux bien que peu détaillé traduit globalement une ferme volonté de changement. Reste à ce que l’ambition affichée soit au rendez-vous des actions concrètes. Il est à souligner que le Gouvernement devra répondre non seulement devant le peuple tchadien mais également devant les grandes institutions internationales (Union Africaine, Union Européenne, Organisation des Nations Unies…) qui lui accorde aujourd’hui son crédit dans un délai imparti de 18 mois.

 

 

La situation exceptionnelle du Tchad comme motif invoqué par les membres du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine (le 14 mai 2021) pour déroger aux sanctions prévues par les textes relatifs aux manquements constitutionnels d’un État de l’Union, renchérit la place particulière du Tchad dans la géopolitique continentale et mondiale, même si ce dernier reste astreint à certaines conditions.

Le message est clair :

Le Tchad est un acteur incontournable du continent qui mérite une attention toute particulière malgré ses écueils, mais qui doit faire ses preuves aux yeux du monde qui l’observe de près.

Le Tchad est ainsi à la croisée des chemins et vit un tournant historique pour lui-même, mais également pour la sous-région et le continent.

Une situation tendue mais à la fois exclusive nous est offerte de pouvoir « tout recommencer à zéro » avec la refonte des institutions pour l’établissement d’un État fort en adaptant la démocratie grecque à notre rationalité propre africaine.

L’occasion nous est donnée de revisiter en profondeur les politiques pratiquées et prendre un nouveau départ  fondé sur un diagnostic inclusif et courageux par la mise en place d’un Contrat Social convenu par Consensus National.

 

 

 

Enfin, l’opportunité inédite est accordée « au pays de Toumaï », « Berceau de l’Humanité » de se porter en modèle de définition pour l’Afrique d’une voie endogène de relance économique, basée sur de nouveaux rapports partenariaux avec le monde, impulsée et assistée par la représentation tchadienne aux instances continentales et internationales.

À la polémique disputée dans l’hémicycle au sujet de l’opportunité du Gouvernement de Transition à répondre dans le cadre de son mandat aux questions d’ordre structurel. Nous saluons la grande majorité des représentants du peuple à avoir mis l’accent sur la nécessité de reprendre les grandes reformes structurelles indispensables et incompressibles à une gouvernance économique viable (énergie, eau potable, relance économique par l’industrialisation, …), gage de paix et d’unité du pays.

Cette phase de transition aux multiples incertitudes doit être l’occasion de redonner confiance à la nation et d’impulser la mobilisation de tout un peuple vers le changement, en se fondant sur l’intelligence et la créativité de ses enfants répartis sur tous les continents du monde; de rassembler ses ressources endogènes, traditionnelles, diasporiques, scientifiques, nouvelles, digitales…

Les multiples défis du nouveau leadership tchadien sont à la mesure de son statut précaire de transition. Il porte en lui comme le rappelle le 1er Ministre la nécessité d’un assainissement institutionnel (lutte contre la corruption, le népotisme, le favoritisme et le manque de motivation) concomitant de la restructuration plus que primordial d’une économie autonome et suffisante, basée sur une industrialisation vertueuse, seule garantie connue et reconnue à la préservation de la paix, au maintien de la cohésion sociale, et l’amélioration de la justice sociale.

Il est ainsi impératif et nécessaire que le Gouvernement de Transition pose les jalons du renouveau socio-économique du Tchad post-transition, dans une perspective ambitieuse, objective et rationnelle d’intégration économique intra et intersectorielle à l’échelle nationale et sous-régionale, pour répondre aux multiples défis et insécurités qui caractérisent le pays, exacerbés depuis la chute brutale du prix du pétrole en 2014 et aggravés par la crise sanitaire mondiale Covid-19 apparue en 2020 : économique, financier, énergétique, politique, social, sécuritaire, alimentaire, juridique, etc.

Ce décollage économique devra nécessairement s’appuyer sur une volonté politique forte du Gouvernement de Transition de s’attaquer aux fondamentaux de l’industrialisation, à savoir, prendre en main l’immense défi de la structuration de l’industrie électrique, clé de voûte de tous les autres défis du pays, et plus généralement de la sous-région.

Classé avant dernier sur les 54 pays africains en termes d’accès à l’électricité dans le cadre d’une récente étude initiée en 2018 et achevée en 2020 par la Banque Mondiale, le pouvoir de Transition ne peut se permettre de faire l’impasse sur la problématique de l’extrême urgence énergétique.

Gangréné par différents maux institutionnels, structurels et organisationnels, le  secteur de l’énergie électrique du pays demeure un impératif de premier ordre à fixer dans l’agenda du nouveau Gouvernement de Transition.

Ce dernier a réaffirmé la nécessaire réalisation du « Plan d’Urgence d’Électrification 2021-2023 » pendant son mandat, conscient de l’importance des effets de la « fée électricité » sur la structure actuelle d’une économie stagnante, première source d’instabilités politiques et sociales dans le pays et dans la sous-région en général.

Le Tchad économiquement épanoui et pourvoyeur d’emploi stables et durables à sa population sera moins exposé aux velléités de tout genre. Sa jeunesse s’offrira moins aux recrutements à but déstabilisateur pour se consacrer aux fonctions qui feront d’elle l’élite de demain.

 

 

Un Tchad économiquement structuré sera plus disposé à adopter, de manière irréversible, les vertus de l’intégration et de son unité, et à assumer collectivement et avec détermination son destin.

Enfin, un Tchad économiquement développé sera de nature, entre autres, à donner espoir à sa jeunesse, et de facto à mettre fin aux conflits tribaux, régionaux ou religieux qui le guette à l’horizon.

Alors, il appartient de manière certaine au Gouvernement de Transition de préparer la construction économique du Tchad futur, qui par ricochet, aidera certainement à enregistrer les victoires sur le front politique et favoriser le processus endogénéisé de la démocratisation du pays, ainsi que l’institutionnalisation effective d’une décentralisation à l’africaine.

L’industrialisation basée sur la transformation des matières premières exige notamment une énergie abondante et peu chère, une grande quantité d’eau pour le fonctionnement des machines et enfin des services de transports lourds pour la logistique de matières premières et des semi-produits. En outre, la création des industries intermédiaires et de certaines de leurs filières industrielles importantes nécessite des montants d’investissement colossaux.

Aujourd’hui, pour diverses raisons, absence de sécurité et de stabilité politique, manque d’infrastructures adéquates, marché intérieur exigu, insuffisance de formation de la main d’œuvre, les ressources minières tchadiennes et africaines en général sont encore exportées sur d’autres continents et contribuent au développement économique des pays étrangers.

À l’instar d’autres pays africains, et plus particulièrement de la sous-région de l’Afrique Centrale, l’industrialisation du Tchad se trouve limitée car il n’existe pas de processus endogène de croissance industrielle et l’industrialisation est soumise aux impulsions externes. Les entreprises doivent importer la quasi totalité de leurs inputs industriels onéreux de sorte qu’elles s’avèrent incapables d’atteindre la capacité de production maximale et a fortiori dans l’impossibilité d’accéder aux économies d’échelle qui permet un vaste marché interne et externe.

 

 

Pourtant, la région d’Afrique Centrale est paradoxalement l’une des plus privilégiée pour développer une forte production industrielle.

La disponibilité des immenses réserves en ressources énergétiques (gaz, pétrole, uranium, vents, soleil …) et d’une hydroélectricité abondante et bon marché, le potentiel exceptionnel de la région pour développer une puissante industrie sidérurgique, l’exploitation méthodique des métaux non ferreux font de la grande zone de l’Afrique Centrale, la localisation privilégiée des alliages aciers et métaux non ferreux, branches industrielles cruciales dans le renforcement des relations inter et intrasectorielles pour développer un système productif performant. De plus, l’exploitation judicieuse des mines de diamants et d’or ainsi que la valorisation des produits pétroliers permettraient de financer aisément ce développement industriel.

 Fort de sa représentation diplomatique aux instances régionales, continentales et internationales et de sa position dominante stratégico-militaire dans la sous région, le Tchad a l’occasion rêvée de surprendre le monde, à un moment de fragilité politique en repensant sa gouvernance économique sur la base des dogmes d’un multilatéralisme économique nouveau, de bousculer les préceptes du néolibéralisme mondial, en proposant un modèle intégrateur avec ses pays frères de la sous-région, en négociant de manière concertée et collégiale avec des partenaires économiques stratégiques  résolus à promouvoir la stratégie d’implantation des industries intermédiaires (ou industries de bases) et des infrastructures de base (énergie, eau, transport…) au niveau régional et national, sur la base des intérêts mutuels.

 

 

Sur le modèle des coalitions militaires mises en place pour lutter contre le terrorisme (coalition du G5 Sahel dont le Tchad assure la présidence tournante depuis février 2021 et la Force Multilatérale Mixte dans la zone du Lac Tchad), le Tchad, pays enclavé à la croisée des conflits armés, peut saisir l’opportunité inédite et historique d’ouvrir la voie audacieuse et nécessaire de l’intégration économique avec les pays limitrophes, membres des différentes organisations sous-régionales du continent (G5 Sahel, Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), Communautés Économiques Régionales, et plus particulièrement Communautés Économiques des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) encore stagnante,  etc.).

Face à sa grande fragilité politique et socio-économique, le Tchad se doit d’être une force de proposition en matière économique et doit élaborer des stratégies de développement intégré au niveau national et régional en comptant sur le soutien des pays frères voisins, manifesté ouvertement au lendemain de la disparition du Maréchal Idriss Déby Itno. 

Cette crise rappelle notamment la nécessité de rendre effectifs les vœux d’intégration économique réaffirmés par le Président en exercice de la CEEAC, Président du Congo Denis Sassou Nguessou, dans le cadre du sommet des chefs d’États de la CEEAC en novembre 2020.

Confrontés aux problématiques de conflits armés (2/3 des États membres) et soumis aux mêmes défis et enjeux socio-économiques, il est plus que temps pour la CEEAC de sortir de son immobilisme moribonde et de concrétiser les nouveaux objectifs fixés par cette dernière comme la fusion institutionnelle de la CEEAC avec la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) revenant encore récemment à l’ordre du jour.

 

 

À ce titre, il est important de féliciter ici, la maturité et l’intelligence du leadership tchadien face aux événements armés survenus le 30 mai dernier aux frontières Sud du Tchad avec la République Centrafricaine, dans le but d’éviter in extremis une déstabilisation sécuritaire dans la sous-région déjà bien fragilisée et de préserver ainsi la paix avec un pays frère. Il est impératif de souligner que la Tchad se positionne ainsi en véritable force d’équilibre sécuritaire au niveau de la CEEAC, qui a long terme peut même avoir pour ambition de s’ériger en véritable force d’équilibre économique, palliant ainsi au désagrément de l’enclavement géographique dont il fait l’objet.

Dans la logique de ses engagements sécuritaires, le Tchad avec le soutien de ses pays voisins doit promouvoir prioritairement les efforts de mutualisation sur la production de l’électricité au coût le plus bas non seulement pour couvrir les  besoins des villes et des campagnes, mais surtout pour le développement des infrastructures et des industries de base énergivores, pour la transformation des ressources minières en biens intermédiaires et biens de capitaux pour ses besoins propres, ceux de ces voisins et pour ceux de ses partenaires économiques étrangers.

Les chefs d’États et de gouvernement de la CBLT ont déjà amorcé les premières actions en faveur du CMT et du renforcement de la coopération régionale, le 25 mai 2021, à Abuja, en République fédérale du Nigéria avec l’annonce officielle de la création d’un Fonds spécial pour soutenir les actions urgentes incombant au pouvoir de transition tchadien.

Toujours en termes de recherche de financements, la mise en œuvre de la stratégie d’industrialisation par la valorisation des ressources minières réside dans la capacité des régions africaines à attirer les investisseurs directs étrangers, considérés comme un facteur contribuant à l’acquisition d’une technologie plus avancée, à l’accroissement des exportations et à la construction d’une base  de production plus large.

 

 

 

 À la faveur de l’entrée en jeu des pays émergents en Afrique, élargissant le choix des partenariats économiques au-delà des puissances industrielles traditionnelles, les chefs d’États africains ont l’opportunité depuis plus d’une décennie de sélectionner et d’accepter les seuls investissements étrangers qui concourent à leurs objectifs industriels et qui trouvent leurs intérêts dans la valorisation sur place des ressources minières africaines.

L’attractivité des fonds d’investissements directs étrangers ne peut toutefois pas se limiter aux seules politiques macroéconomiques stables proposées par les pays africains. Ces derniers doivent perfectionner les structures du marché, diminuer les coûts de transactions et développer les capacités de production.

À noter que la capacité de production qui accroît l’efficacité des investissements résulte de la haute qualification de la main d’œuvre, d’un réseau d’entreprises locales pourvoyeuses d’intrants stimulants des spécialisations industrielles et permettant des coûts compétitifs, de la construction d’infrastructures physiques, scientifiques et institutionnelles adéquates.

L’Industrialisation ne se ramène pas à l’implantation d’industries d’une façon éparse et désordonnée. La mission de l’industrie est de parvenir à construire un véritable système productif national et communautaire en articulant les secteurs industriels entre eux de façon que l’apport du progrès technique aboutisse à une augmentation radicale de la productivité, que l’accumulation du capital rende ce système autonome et viable, que la satisfaction de l’économie ainsi que les besoins des populations soient assurés.

 

 

Pour rendre les économies nationales performantes profitant de leurs avantages comparatifs, les États de la sous-région doivent se concerter pour créer dans le cadre de l’intégration économique régionale des systèmes productifs régionaux en parallèle avec les systèmes productifs nationaux complémentaires.

Deux types de projets sont essentiels pour fusionner les espaces économiques nationaux en un marché régional susceptibles de promouvoir les échanges communautaires et les investissements communautaires :

Les grandes infrastructures de développement nationales er régionales (routes, ponts, chemins de fer, grands barrages hydro-électriques et hydraulique, interconnexions électriques, pylônes, etc. ;

 

 

 

Les industries de base, dont les produits sont essentielles à la réduction et à l’amortissement des coûts des infrastructures (transformation des produits bruts en demi-produits tels que produits d’acier, d’aluminium, de produits chimiques et pétrochimiques pour les besoins nationaux, communautaires et l’extérieur.

En l’absence des industries intermédiaires, les structures économiques des économies africaines, prises isolément demeureront désarticulées et peu modernisées.

Pour le Tchad, plus endetté que jamais en cette période de crise multidimensionnelle que traverse le pays, et aggravée par la pandémie Covid-19, la question du financement de la relance économique demeure des plus préoccupantes.

La pandémie qui a surpris le monde, doit être surtout comprise comme une alerte divine nous indiquant que la perpétuation d’un modèle économique de rente, fondé sur l’exportation de matières premières non transformées en attendant des recettes extérieures volatiles est suicidaire.

Elle a sonné l’heure d’une Afrique qui doit relever les défis et réinventer les modalités de sa présence dans le monde, et plus particulièrement par la redéfinition du multilatéralisme économique et financier international. Cette Afrique qui reprend son patrimoine à sa juste valeur pour redéfinir sa place dans l’ordre économique mondial.

 

 

Le Coronavirus est le révélateur d’un certain basculement du monde où un renouvellement  paradigmatique, culturel et civilisationnel marque la « fin d’une période de l’Histoire africaine » pour laisser place à une Afrique réinventée et éprise d’une nouvelle conscience d’elle-même. Celle qui relie le continent à ses diasporas, ses nouveaux réseaux d’intellectuels, de professionnels, de chercheurs, de militants, d’associations, de politiques, d’indépendants, devrait pouvoir apporter des voix neuves et disruptives dans ces débats.

Pourtant à ce tournant de l’histoire du continent où il est le plus question d’accélérer la transformation structurelle de l’Afrique, dont les déficits et défaillances multidimensionnels (économiques, financiers structurels, sanitaires, politiques, institutionnelles…) ont été mis en évidence par la Covid-19, et alors qu’il faille se pencher sur les modes alternatifs du financement de son développement économique, plus endogènes, plus résilients et plus près de notre histoire et nos valeurs, l’on replonge dans le spectre d’une ère de finance internationale pré-Covid-19 à la limite de l’anachronisme.

C’est en effet dans le cadre du sommet Afrique-France du 18 mai 2021, axé sur le financement des économies africaines fragilisées par les conséquences économiques de la Pandémie, organisé à Paris à l’initiative du Président de la République français Emmanuel Macron, que la question du redynamisme économique du continent a été discutée, nous renvoyant à un paradigme économique et financier pré-Covid-19 semblant dépassé, voire désuet bien que nécessaire.

 

 

Pour pallier aux conséquences économiques de la crise sanitaire Covid-19 ayant entraîné notamment la réduction des recettes des exportations, des prix des prix des matières premières et des envois des de la diaspora, certains pays au bord du défaut de paiement comme le Tchad ne peuvent plus faire face à la crise sans aide extérieure.

On est ainsi replongé dans cette sempiternelle logique  d’endettement des pays africains pour couvrir les dettes anciennes, atteignant des montants déjà exorbitants, et d’assistance publique internationale conditionnée à des contraintes budgétaires toujours plus drastiques qui brident les capacités d’investissements.

N’est-il pas temps pour l’Afrique de penser au financement endogène de son industrialisation entraînant sa transformation structurelle, et par là assumer son destin en se donnant les moyens de son épanouissement ou a t-elle décidé de continuer à se résigner à ne compter que sur l’extérieur pour financer son Agenda 2063 de développement en confiant son destin au diktat exclusif de l’extérieur ?

 

 

En effet, l’industrialisation que nous préconisons devra être conduite de façon rentable, mais compétitive entraînant une exigence de premier ordre à savoir, la promotion des grands projets industriels sera faite par le biais des investissements directs étrangers dans le but d’éviter l’aggravation de la dette des petits États membres par la recherche de partenaires économiques en phase avec cette stratégie continentale d’industrialisation nécessaire des pays de la sous-région et du continent.

Bien évidemment que dans le contexte financier tchadien cette approche financière alternative n’est pas soutenable au regard des circonstances de fait. Il n’en demeure pas moins que les moyens bienvenus de la finance internationale pour le redynamisme économique du continent ne doivent pas être exclusifs mais bien cumulatifs d’autres stratégies de financements (nationaux comme internationaux) mis à la disposition des pays du continent pour réduire sa trop grande dépendance financière vis-à-vis des grandes puissances étrangères et entretenir de vraies partenariats de coopération économiques avec ces dernières dans l’ère post-Covid 19.

Les circonstances exceptionnelles vécues par le Tchad obligent à se positionner en faveur d’une Afrique qui se donne les moyens de sa réussite en se basant sur ses ressources, son formidable potentiel humain sur le continent et parsemé à travers le monde, la force de résilience et la créativité de sa population jeune et dynamique.

 

 

Le Tchad, comme d’autres États africains en crise dans cette période d’insécurité sanitaire doit prendre toute la mesure des responsabilités qui lui incombe. Il est temps que l’Afrique ait confiance en elle, ait un regard objectif sur elle-même, qu’elle pense et consomme les produits, les idées et les pensées produites par les africains en se donnant les moyens d’agir par les méthodes prescrites par et pour elle-même.

C’est à cette seule condition qu’elle pourra se définir aux yeux des autres continents et être respectée à sa juste valeur, à savoir comme un continent de premier plan où se joue dès maintenant les grands enjeux géopolitiques du monde de demain.

Dans ce monde globalisé et consumériste, la pandémie a jeté la lumière sur les limites d’un système qui suffoque. L’offre de développement faite à l’Afrique, définie de manière exogène doit aujourd’hui muer en une offre de développement endogène dont les solutions émaneront de l’ingéniosité des fils et filles de l’Afrique avec pour objectif premier de répondre efficacement à une demande de développement qui lui correspond.

 

 

On appelle ça le changement de paradigme de développement ! On peut espérer que le Tchad, à travers cette période de transition dirigée par le jeune Président Mahamat Idriss Déby Itno, puisse saisir l’occasion incroyable qui lui est offerte d’être le pays de cette Nouvelle Donne Africaine car rien de mieux que cette période de confusion pour réécrire  d’une page blanche son devenir viable, inclusif, humaniste et prospère intégrant pleinement la rationalité, les valeurs, la riche Histoire des civilisations africaines qui caractérisent son essence.

 

Par Mansour Adam Djibrine, Echos du Logonne et Chari