Entretien avec Jonas Yedidia Alirou, initiateur de la campagne «  Stop à la violence sur la Police » camerounaise

« La Police est la vitrine de notre société et la population, son guide… »

Jonas Yedidia Alirou

Le Coordonnateur de FAMILY CLUB et initiateur de la Campagne « Citoyenneté de cohésion sociale Police-Population », Jonas Yedidia Alirou,  se livre à La Voix Des Décideurs.

 

Après des campagnes de sensibilisation contre la Covid, Family Club fait parler d’elle à travers un autre concept : « Citoyenneté et cohésion sociale Police-population ». De quoi s’agit-il exactement ?

Avant de répondre à votre question, tout en vous remerciant pour l’intérêt porté à notre campagne, je voudrais préciser que nos actions contre la Covid 19 ne sont pas bouclées. Nous continuons à sensibiliser sur la nécessité pour les citoyens de se faire vacciner contre la Covid…

Parlant de la campagne « Citoyenneté et Cohésion sociale Police-Population », c’est un vaste programme de sensibilisation sur le rôle de la police en République et la nécessité d’une franche collaboration entre la population et sa police. Nous l’avons lancé depuis le 19 août 2021 à travers des publications sur les réseaux sociaux. Nous concevons et partageons de messages de nature à renforcer le lien de confiance entre les citoyens et leur police.

 

 

Pas besoin de vous rappeler, ces derniers temps, l’on note la montée en puissance de la violence dans notre société en générale et en particulier sur les forces de l’ordre. L’escalade de la violence sous toutes ses formes touche toutes les institutions, et personne n’est épargné. Nous pensons que ce n’est pas normal. Surtout quand une institution comme la police dont le rôle est d’assurer la sécurité de tous se retrouve en insécurité. Le pays vit des crises, il faut remobiliser les citoyens autour de la police.

Pourquoi seulement la police ? Nous savons les forces de défense et de sécurité souffrent aussi au front…

Vous faites une très bonne remarque. Mais je rappelle que Family Club a longuement accompagner les activités de mobilisation des jeunes autour de l’Armée au front dans le cadre la lutte contre le Boko Haram. Nous y avons implémenté une dizaine d’activités et projets de 2015 à 2019. Quand nous commencions, tout le monde avait peur de parler de Boko haram. Les gens se limitaient à des accusations, alors qu’il fallait trouver des solutions. Nous avons écrit des chansons en langues locales. Nous avons fait chanter des jeunes dans le cadre d’un projet dénommé « Pour la Patrie Donnes ta Voix ». Des chansons patriotiques qui demandaient aux jeunes de soutenir l’Armée, de renseigner les forces de l’ordre et de sécurité afin que les villages soient protégés contre les attaques.

A l’époque, même les artistes de renoms refusaient de chanter contre le Boko Haram mais notre expérience a marché et beaucoup d’autres personnes ont copié. Nous avions aussi implémenté un autre projet « TOUS AU FRONT CONTRE LE TERRORISME », puis « Regards sur la sacralité de la vie », s’en est suivi le projet « Veille Citoyenne Contre le Terrorisme » et des plusieurs ateliers dans les départements du Diamaré, Mayo Tsanaga, Mayo Sava et Logone et Chari.

 

 

Nous avons longuement travaillé pour faciliter la collaboration entre l’Armée et les populations dans l’Extrême Nord. Il y a des preuves. Maintenant, il y a plusieurs associations sur cette thématique. Nous avons atteint l’objectif d’attirer l’attention sur la nécessité pour les populations à travers avec l’Armée dans la lutte contre le Boko Haram…

Vous constatez qu’il y a un autre problème plus spécifique : la dégradation des relations entre la police et la population. La police est plus proche de la population et du coup, les gens ont l’impression qu’elle ne sert à rien, qu’elle prend seulement les 500 f cfa et 1000 f cfa aux conducteurs. Or, la police et omniprésente. Il faut éduquer la population sur l’importance de la police et résoudre le problème de manque de confiance. Comme le pays a déjà trop de problèmes d’insécurité à travers les régions, si en interne la police et la population passent leur à bagarrer dans nos rues, le pays n’aura pas de forces pour gagner ses guerres.

Il faut qu’il ait de l’ordre en interne et que la population soit prête à aider la police et à lui faire confiance. Là, même si un ennemi s’infiltre entre nous, la collaboration police-population permettra de le débusquer.

La police est la vitrine de notre société et la population, son guide sur le terrain. Sans la confiance de la population, la police ne pourra pas assurer notre sécurité. Nous attirons l’attention de tous les citoyens sur cette problématique très importante de notre vie en République.

Dans vos messages de sensibilisation et vos hashtags vous sembler glorifier la police au détriment de la population alors que les policiers ne sont pas sans reproche dans l’exercice de leur fonction ?

Ce n’est pas méchant, l’observation que faites de notre travail. La Police mérite qu’on la glorifie. Parce qu’elle est au service de notre sécurité. Pensez vous que c’est intelligent de blaguer avec un corps qui est chargé de notre sécurité, la sécurité de nos biens et celle de nos institutions ?

 

 

 

Mais les populations se plaignent des tracasseries tout le temps….

Je ne dis pas non. Mais il y a assez des bouches pour le dire déjà. Tout le monde en parle, même les gens qui ne sont jamais en règle bavardent sur la police. Mais là n’est pas mon problème. Je ne suis pas un juge pour vous dire qui a raison ou qui a tord dans la relation police-population.

De part et d’autre, il y a des voies de recourt si quelqu’un se sent abusé. La police dispose des numéros tels 1500 pour recevoir des dénonciations et renseignements, le 117 pour appeler au secours, 118 pour les pompiers. Ce qui m’intéresse, et je pense que c’est utile pour tout le monde, c’est que chacun doit connaitre à la fois ses droits et devoirs et ensemble nous devons prendre conscience du fait que nous sommes obligés de collaborer, de nous aimer, de nous tolérer en tant que frères et sœurs d’un même pays.

Sans le sentiment d’appartenance à notre pays, sans la possibilité de collaborer, nous allons souffrir davantage et il n’y aura pas de remède à nos problèmes collectifs. Les populations doivent comprendre leur rôle dans la préservation de la paix et la stabilité. Cela passe par une franche collaboration avec les forces de l’ordre.

Je suis d’accord que les “pratiques policières désagréables, hostiles et agressives dégradent la confiance de la population, mais il faut souligner que les citoyens n’ont pas le droit de batter sur les policiers ni leur rouler dessus. C’est une source d’infraction…

 

 

La Police est une institution. Elle n’a pas communiqué depuis que les policiers sont trainés dans les rues. Ça peut signifier que ce n’est pas un problème majeur à leur niveau…

C’est vous qui faites cette lecture. Les policiers n’appartiennent pas seulement à la Police, l’institution qui les emploie.

Les policiers appartiennent au peuple, comme tous les fils et filles de la Nation. A ce titre, il revient à la population de s’indigner quand un de ses enfants est malmené.

Pour être un peu plus technique. Les policiers ailleurs ont un syndicat. Si au Cameroun, nos policiers n’ont pas de syndicat, cela veut dire qu’ils font confiance à leur hiérarchie et à la population. Ça veut dire que si les policiers ont un problème, c’est le population qui doit les défendre, qui doit parler en leur nom. Mais depuis des années nous ne le faisons pas. Nous les insultons. Nous les méprisons alors que nous bénéficions de leur service au quotidien. Les problèmes que les policiers peuvent avoir en interne dans leur corps, il existe des mécanisme interne de résolution. A notre niveau en tant que citoyens, respectons les lois et les règlements, respectons la police et les policiers et facilitons leur le travail.  

 Que pensez-vous faire pour améliorer la relation entre la population et le police ?

Je voudrais indiquer que ce n’est pas seulement notre responsabilisation de faire ce travail. Chaque citoyen doit prendre conscience du fait que la police est à notre service. Nous devons être reconnaissants pour ce qu’elle fait. Nous devons l’aider à mieux faire son travail. Ce, en étant en règle avec les lois. Nous ne sommes plus à l’époque où il faut avoir peur des forces de l’ordre. Maintenant, il est question de comprendre ce que la République attend de chacun de nous et les interactions possibles entre nous les citoyens. Le policier n’est pas un ennemi, il n’est pas dehors pour nous faire du mal. Il est dehors pour nous éviter le mal. Donc, on ne peut pas avoir peur de lui. Il faut respecter ce qu’il fait et lui faciliter le travail. C’est tout. Quand les populations auront cela, la confiance va renaitre et nous serons davantage en harmonie et en sécurité.

Que prévoit votre campagne ?

Nous avons lancé par la publication quotidienne des messages d’engagement civique et l’explication des dispositions légales qui régissent notre vie en République. Nous prévoyons d’autres phases notamment des sensibilisations dans les lieux publics à travers le pays et des tables rondes d’échanges entre citoyens impliquant les leaders communautaires, les autorités de police, les responsables de mouvements des transporteurs et ceux qui sont constamment en contact avec les agents de police.

 

Entretien menée par Marcien Essimi, La Voix Des Décideurs