Commerce du poisson : Congelcam accusé de violer le Droit Ohada
► Tenant un monopole dans le marché des produits congelés qui l’a transformé en « un monstre indéboulonnable» face à un Etat résigné et/ou complice parfois victime d’un chantage, le richissime homme d’affaires Sylvestre Ngouchinghe qui jouit des faveurs du régime de Yaoundé et à qui il est collé l’étiquette de «financier de l’opposition», est accusé de violer le Droit Ohaha en toute impunité, puisqu’il en est à la fois importateur, grossiste, détaillant, des produits parfois avariés sur fond d’inflation.
►Le Gouvernement semble en cours de réflexion pour revoir le totalitarisme de Congelcam dans la chaîne de commercialisation de la filière poisson au Cameroun.
► Ce que dit la loi.
► Parole à un expert dans notre enquête exclusive.
La Voix Des Décideurs – Dans la filière poisson au Cameroun, la société Congelcam a la réputation d’être toute puissante. D’après des statistiques du ministère du Commerce, la société Congelcam est importatrice de poisson congelé pour environ 80% des parts du marché camerounais. L’entreprise domine toute la chaîne de la commercialisation du poisson sur le territoire camerounais. Par conséquence, elle compte une impressionnante chaîne d’entrepôts et de poissonneries disséminées dans tout le pays.
Hors OHADA
Mais là où le bât blesse, la société Congelcam est à la fois grossiste et détaillant. Une situation qui est en violation de la loi sur l’activité commerciale au Cameroun. Pis, le monopole de Congelcam est contradictoire aux actes uniformes OHADA, en l’occurrence, le droit commercial général. Pourtant, le Cameroun fait partie des 17 pays membres de l’OHADA. Aussi, le monopole de Congelcam devient préoccupant à divers niveaux de la société.
Examen gouvernemental
Examiner le monopole de Congelcam semble désormais une évidence au niveau des instances de décisions au Cameroun. Le gouvernement semble particulièrement penché sur le sujet. « Concernant le monopole du commerce du poisson, le représentant du gouvernement a fait savoir qu’une réflexion est en cours». L’extrait ressort du rapport d’analyse du Document de programmation économique et budgétaire déposé le 4 juillet 2021 à l’Assemblée nationale. C’était en prélude au débat d’orientation budgétaire qui précède l’élaboration du budget de l’État pour l’année 2022.
La révélation trahit ainsi un souci de rééquilibrer le terrain de la vente du poisson congelé au Cameroun. Le gouvernement est par conséquent en voie de rompre l’oligopole de Congelcam sur la vente du poisson au Cameroun.
Flou et détournement
A l’observation, l’orientation de la réflexion sur le monopole de Congelcam par le gouvernement reste indécise. Quelles modalités pour réduire l’hégémonie de la société d’un parlementaire notoire ? Comment combler certains pans de la vente du poisson congelé à retirer à Congelcam ? Autant de questions parmi tant d’autres qui pourraient cacher l’embarras des discussions entre le ministère du Commerce et les parlementaires.
Ce d’autant que des dénonciations incriminent les opérateurs économiques camerounais à s’adonner aux importations, plus qu’à développer l’industrie du pays. Surtout dans des domaines où les locaux peuvent se distinguer et rivaliser d’adresse.
Subséquemment, la filière poisson est un exemple de potentiel. Au Cameroun, les plus de 400 km de côtes et eaux poissonneuses sont courus des chalutiers et pêcheurs étrangers. Ils exportent ainsi frauduleusement le poisson du pays.
Par ailleurs, le Cameroun, perd environ 100 milliards de FCFA par an, dans l’importation du poisson congelé.
Les pleurs de la ménagère
Le monopole de Congelcam dans la distribution du poisson a une forte répercussion dans le panier de la ménagère. En amont comme en aval, les prix sont fixés au gré des réalités et ambitions que postule Congelcam. Les consommateurs font par conséquent le constat constant d’une instabilité voire une flambée des prix du poisson sur le marché.
Mais au-delà, il existe la question de la qualité des produits des poissonneries qui en surface fâche les ménagères. Ces dernières relèvent qu’il existe même un système bien huilé pour l’obtention du poisson de meilleure qualité, selon diverses catégories. Le monnayage semble donc un facteur de trouble à Congelcam.
Parlant de monnaie, c’est également l’une des plaies béantes que regrettent les ménagères dans les poissonneries Congelcam. Les pièces de monnaie remises par les clients leur sont pourtant systématiquement allégués ne pas être disponible dans la caisse. Le trafic des pièces est même supputé.
Un rétropédalage déconcertant
Dans l’optique de rééquilibrer la balance en matière de distribution du poisson, le gouvernement va sanctionner la société Congelcam. Le ministère du commerce (Mincommerce) assène une pénalité de fermeture de certaines poissonneries estampillées Congelcam le 14 août 2021. Une pénalité qui s’appuie sur la loi N° 2015/018 du 21 décembre 2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun.
La sphère commerciale camerounaise se prend alors à croire à un retour à l’orthodoxie comme le prévoit le droit OHADA. Que nenni ! Contre toute attente, le 19 août 2021, les scellés sur les poissonneries Congelcam sont levés par les éléments du Mincommerce. La mesure coercitive n’aura donc durée que le temps de 05 jours, tout juste.
Cette politique du un pied devant un pied derrière apparaît curieuse pour les consommateurs qui y voient désormais une collusion. Cette dernière, évidemment attribuée et qualifiée comme incestueuse entre le Mincommerce et Congelcam du Sénateur Sylvestre Ngouchinghe.
Ce que dit la Loi face aux hors-la-loi
Interrogé sur la violation du droit commercial quant aux activités de gros et de détails, Dr Zogho, Consultant en Droit d’affaire, nous éclaire sur la Loi régissant l’activité commerciale au Cameroun.
«Aux termes des dispositions relatives aux modalités de distribution fixées par la Loi N° 2015/018 du 21 décembre 2015 régissant l’activité commerciale au Cameroun, notamment à son article 21, le principe de la séparation des activités de gros et de détails est posé. Il en ressort que l’activité de distribution est exercée en gros ou en détail», avance-t-il. « Par ailleurs, lorsqu’un commerçant exerce en même temps la distribution en gros et en détail, la séparation des locaux destines à chacune de ces activités, ainsi que la tenue d’une comptabilité distincte sont obligatoires », précise-t-il avant d’évoquer les punitions auxquelles sont exposés les contrevenants.
« Au plan des sanctions, le même texte dispose que le manquement à ces modalités de distribution sont punies d’une sanction pécuniaire de 10% du chiffre d’affaires annuel réalisé par le commerçant contrevenant, avec un minimum de perception de 250. 000 FCFA pour les personnes morales », indique notre consultant.
REACTION DES ACTEURS
Pascaline, Vendeuse de poisson braisé
« Ce qui est bizarre est qu’on écrit là-bas que le service est gratuit »
Pour avoir du bon poisson, nous les vendeuses sommes obligées de débourser aux magasiniers des chambres froides 300, 500 et même 1000 francs, selon la qualité du poisson. Ils sont ceux qui connaissent les bons cartons de poisson. Mais, ce qui est bizarre est qu’on écrit là-bas que le service est gratuit. Même les chefs d’agence là connaissent bien ce qui se passe ».
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Asheri Violet, Ménagère
« A la caisse, on te donne un autre prix… »
Quand tu prends le poisson, à la caisse on te donne un autre prix qui n’est pas ce qui est sur le carton ou l’ardoise au congélateur. Même quand tu veux payer, on te dit que si tu n’as pas la monnaie, tu dois aller chercher toi-même alors que beaucoup de personnes ont donné les pièces devant toi. Même si tu montres ton porte-monnaie que tu n’as plus rien, ce n’est pas leur problème ».
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Yaya Moussa, Boutiquier
« Je ne trouve plus le frais comme avant »
Nous avons des problèmes maintenant pour vendre le bon poisson ici au quartier. Quand je pars chercher à Congelcam, je ne trouve plus le frais comme avant. C’est comme si le poisson manque déjà là-bas. Alors que nous on connait que c’est lui qui donne le poisson partout ».
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Nji Abanda, Chef de famille
« Je ne comprends pas ce qui se passe »
Vous savez, par ces temps difficile, il n’est pas aussi évident que vous fassiez un budget de ration, en quelques jours seulement, on vous annonce que l’argent n’est plus suffisant. Avec ma femme nous avions donc résolu que je lui fasse certains achats en prévision du mois. Mais, voyez-vous, ici au marché Mokolo, le carton de maquereau que je lui prenais à 26000 francs CFA avant la fermeture des poissonneries Congelcam, me coute aujourd’hui 27500 francs CFA, maintenant qu’elles ont rouvertes. Je ne comprends pas ce qui se passe. Et personne ne vous explique quoi que ce soit.’’
© La Voix Des Décideurs ►Eric Martial NDJOMO E. & ME