Lorsque nous racontons nos histoires : réflexions sur la CAN 2021

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SENEGAL, Dakar, le 26 février 2022 -/African Media Agency (AMA)/- La Coupe d’Afrique des Nations Total énergies 2021 (CAN Total Énergies 2021) a pris le continent d’assaut pendant 29 jours, la 33e édition qui vient de s’achever étant acclamée comme la plus suivie de l’histoire de la compétition. Prouesse, spectacle, patriotisme et frénésie, #CAN2021 a suscité un surplus de contenu féroce, lourd d’enjeux, qui a fait monter la fièvre sur le continent. Alors que les médias traditionnels et les réseaux sociaux à travers le continent et au-delà se sont vus inondés d’analyses techniques du sport, il serait négligent de ne pas tenir compte des sous-textes de la réaction du public.

Douleurs de croissance – le dilemme du pays hôte
Le Cameroun avait initialement remporté la candidature pour accueillir l’édition de l’année 2019. Toutefois, en 2018, la Confédération africaine de football (CAF) a retiré au pays le droit d’accueillir le tournoi, invoquant des retards au niveau des infrastructures et des préoccupations en matière de sécurité liées à la crise anglophone et à l’insurrection de Boko Haramn. Des inquiétudes ont également été exprimées quant à la capacité du pays à accueillir un tournoi élargi à 24 équipes, puisque le pays avait été initialement coopté pour organiser une CAN de 16 pays. Néanmoins, la patrie de Roger Milla s’est vu attribuer les droits d’organisation pour 2021, finalement prévus pour janvier/février 2022, en raison de retards liés à la COVID et de conditions climatiques défavorables associées aux mois de juin/juillet.

Toutefois, l’incertitude persistait. Avec le patron de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), Gianni Infantino, favorable à un report en raison de la Coupe du Monde des Clubs, et les clubs européens réticents à libérer leurs joueurs, invoquant les risques sanitaires liés à la COVID, le prélude de la CAN a soulevé de sérieuses questions autour du calendrier mondial du football, mais surtout, la relégation de l’Afrique, comme l’a souligné Samuel Eto’o, quatre fois ballon d’or africain, ancienne star du FC Barcelone, de l’Inter Milan et du Real Madrid, et Président de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) depuis le 11 décembre 2021. Toutefois, le Président de la CAF, le Dr Patrice Motsepe, a mis fin aux doutes après une réunion fructueuse avec le Président de la République du Cameroun, S.E. Paul Biya.

Temps Forts

Réunissant l’Algérie, le Burkina Faso, le Cameroun, le Cabo Verde, les Comores, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, l’Éthiopie, le Gabon, la Gambie, le Ghana, la Guinée équatoriale, la Guinée Bissau, le Malawi, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone, le Soudan, la Tunisie et le Zimbabwe, le tournoi biennal s’est ouvert en grande pompe au stade d’Olembe. 

Une mise en scène pittoresque de la culture, de la diversité et des paysages camerounais par une foule de danseurs, de l’hymne de la CAN 2021 interprété par Africa Smile, ainsi qu’une performance de l’artiste congolais Fally Ipupa, la cérémonie d’ouverture a suscité des sentiments de fierté, de solidarité et d’excellence africaine.

« Le peuple camerounais est en train de montrer à l’Afrique, au monde entier, que nous pouvons organiser une [CAN] réussie. Aujourd’hui, nous sommes ici pour montrer le meilleur du football camerounais et le meilleur du football africain », a déclaré Motsepe, sous un tonnerre d’applaudissements dans le stade de 60 000 places.

C’est ainsi qu’a commencé l’histoire de 24 pays qui se sont affrontés au cours de 52 matches et qui ont donné lieu à une finale Sénégal-Égypte avec les Lions de la Téranga remportant leur premier titre ! Avec le Cameroun qui a décroché la 3ème place après une remontada spectaculaire contre le Burkina Faso, les Sénégalais Sadio Mané et Edouard Mendy respectivement meilleur joueur et meilleur gardien de but, le Camerounais Vincent Aboubakar meilleur buteur avec 8 buts, suivi de Karl Toko Ekambi (5 buts), la “CAN sucrée” du Cameroun a fait vibrer les spectateurs jusqu’au bout.

Épreuves et sceptiques
Hélas, il y a eu la douloureuse bousculade d’Olembe qui a coûté la vie à 8 supporters et en a blessé 38 autres, venus en masse pour le match Cameroun-Comores du 24 janvier. « La famille de la CAF est profondément blessée. Nous tenons à transmettre nos plus sincères condoléances aux familles, amis et proches des personnes qui ont perdu la vie hier », a déclaré Motsepe. Cependant, le moment le plus sombre du tournoi ne sera malheureusement qu’une note de bas de page dans la chaîne des événements, éclipsé par une controverse décevante et malavisée.

Les commentaires allaient de préoccupations discutables concernant l’arbitrage et les réglements relatifs au COVID-19 de la CAF à des revendications improbables concernant l’hébergement. Mais il n’a pas fallu longtemps pour qu’ils se transforment en une attaque frénétique contre le pays hôte. L’élément déclencheur ? La rencontre Cameroun-Comores. Les Coelacanthes, qui ont choisi l’arrière gauche Chaker Alhadhuras comme gardien de but après l’exclusion d’Ali Ahamada en raison du règlement COVID de la CAF, ont joué la majeure partie du match avec un effectif de 10 joueurs lorsque Nadjim Abdou a reçu un carton rouge pour une faute dangereuse sur Moumi Ngamaleu.

Si les Comores ont “gagné nos cœurs” pour leur prestation courageuse, le Cameroun est devenu la cible de théories du complot. Ils sont accusés d’avoir “donné” des tests COVID positifs aux Comores; de ne pas avoir de cas COVID; de jubiler après avoir marqué leurs buts; de ne pas avoir plaidé auprès de la CAF pour assouplir les règles; d’être responsable du carton rouge. Etc. Et c’est ainsi que la CAN de la gloire fut baptisée “CAN de la honte”. Le discours troublant qui s’est ensuivi a révélé des profonds niveaux de myopie chez les sceptiques qui ne semblaient pas pouvoir faire la distinction entre l’organisateur (la CAF) et le pays hôte (le Cameroun). Ces derniers traitaient la CAF, le Cameroun, la FECAFOOT et Samuel Eto’o comme des synonymes. Le fair-play est passé à la trappe, et un univers alternatif a vu le jour, dans lequel il semblait impossible que les 5 fois champions de la CAN, les médaillés d’or des Jeux Olympiques d’été 2000, les 7 fois qualifiés pour la Coupe du Monde aient pu gagner le match contre les Comores sans collusion.

L’Ensemble du tableau
Le spectacle s’est poursuivi, culminant dans une majestueuse cérémonie de cloture avec la présence de la Sud-Africaine Nomcebo et des Camerounais James BKS, Salatiel, Daphne et Stanley Enow, qui ont fait preuve de talent et ont offert un divertissement à profusion. Les Lions de la Teranga se sont emparés de la journée, enthousiasmés et émus à la fois, rappelant ainsi que si ce n’est qu’un jeu, les enjeux sont trop élevés. 

En plus de raviver de vieilles rivalités, qui ajoutent à la ferveur des compétitions sportives, la CAN 2021 a révélé des aspects plus profonds de la façon dont nous nous percevons. La célébration est emblématique de la fierté collective, la critique constructive est révélatrice des exigences et de la volonté de relever la barre, et la compétitivité est une expression saine de notre désir ardent de faire mieux et d’être meilleur. 

Mais que penser de l’auto-anéantissement gratuit? Nous contestons les représentations erronées de l’Afrique, nous prêchons le pouvoir de raconter nos propres histoires ; pourtant, nous tuons nos protagonistes avant le point culminant et nous nous interrogeons ensuite sur l’absurdité de nos intrigues auto-sabotées lorsque nous ne parvenons pas à comprendre le dénouement. 

Alors que nous nous préparons pour le 34ème épisode d’euphorie et bien d’autres à venir, nous devons cultiver l’objectivité dans la façon dont nous racontons nos histoires, malheurs, victoires, et autres. S’il y avait encore des doutes, la CAN 2021 a démontré que la jeunesse africaine peut se mobiliser pour une cause qu’elle trouve digne. La compétition étant terminée, examinons nos priorités, faisons face à nos réalités, tirons parti de cet élan au-delà du terrain de foot et soutenons des visionnaires pour réifier la conscience collective indispensable à un changement durable.

Dr Layih Butake est une spécialiste en communications et en gestion de programmes travaillant actuellement dans le secteur du développement international.

Distribué par African Media Agency.

Source : African Media Agency (AMA)

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