Un conflit qui dure depuis un an dans la région du Tigré, en Éthiopie, a atteint des « proportions désastreuses », a déclaré lundi la cheffe des affaires politiques des Nations Unies au Conseil de sécurité, mettant en garde contre la « grave incertitude » qui entoure l’avenir du pays et la stabilité de toute la région de la Corne de l’Afrique.
NEW YORK, USA, le 09 Novembre 2021,-/African Media Agency (AMA)/-Les combats ont commencé au début du mois de novembre de l’année dernière, lorsque les forces du Front populaire de libération du Tigré (TPLF) ont attaqué une base de l’armée fédérale dans la région, conduisant le Premier ministre, Abiy Ahmed, à ordonner une offensive militaire contre les rebelles, qui a fait des milliers de morts.
La semaine dernière, le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies a fait état de graves violations commises par toutes les parties, qui pourraient s’apparenter à des crimes contre l’humanité et à des crimes de guerre. Le gouvernement a déclaré l’état d’urgence le 2 novembre, après que les troupes du TPLF et leurs alliés ont commencé à pousser vers le sud en direction de la capitale, selon les médias.
En coordination avec l’Armée de libération oromo, les forces tigréennes ont avancé vers Addis-Abeba, a déclaré la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo.
« Le gouvernement éthiopien a décrété l’état d’urgence dans tout le pays et a déclaré qu’il combattait ‘une guerre existentielle’ », a-t-elle ajouté, notant la propagation des combats dans tout le pays.
« Ailleurs, l’insécurité dans la région d’Oromia continue de s’aggraver, tandis que la situation dans certaines parties de la région de Benishangul-Gumuz reste tendue ».Photo ONU/Eskinder DebebeLa Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques, Rosemary DiCarlo, devant le Conseil de sécurité jeudi 30 juin 2021.
Une menace catastrophique
S’agissant des spéculations croissantes sur l’évolution de la crise au cours des prochaines semaines, la responsable de l’ONU a fait observer que dans un pays de plus de 110 millions d’habitants, comptant plus de 90 groupes ethniques différents et 80 langues, personne ne peut vraiment prédire ce que la poursuite des combats et de l’insécurité entraînera.
Toutefois, elle a déclaré que les répercussions politiques de l’intensification de la violence dans la région au sens large seraient « immenses » – aggravant les nombreuses autres crises en cours dans la Corne de l’Afrique.
« Mais soyons clairs : ce qui est certain, c’est que le risque de voir l’Éthiopie sombrer dans une guerre civile de plus en plus étendue n’est que trop réel. Cela entraînerait une catastrophe humanitaire et compromettrait l’avenir d’un pays aussi important », a-t-elle déclaré.
Coupés du monde et affamés
Alors que plus de sept millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire dans le nord de l’Éthiopie aujourd’hui, les efforts visant à mobiliser l’aide dans le Tigré – où plus de cinq millions de personnes manquent de nourriture et où l’on estime que 400 000 personnes vivent dans des conditions proches de la famine – sont rendus plus difficiles par l’impossibilité d’acheminer de l’argent, du carburant et des fournitures dans la région.© UNHCR/Hazim ElhagLes réfugiés éthiopiens, fuyant les affrontements dans la région du Tigré, au nord du pays, traversent la rivière Tekeze pour se rendre à Hamdayet, au Soudan.
« Aucun camion d’aide n’est parvenu à Mekelle depuis le 18 octobre en raison de la poursuite des frappes aériennes », a déclaré Mme DiCarlo, ajoutant que depuis les frappes du 22 octobre sur la capitale régionale du Tigré, les vols du Service aérien humanitaire des Nations Unies (UNHAS) sont restés suspendus tandis que les livraisons de carburant sont bloquées depuis août.
Bien que certaines fournitures d’urgence aient été acheminées, la dernière expédition importante de médicaments et de fournitures médicales vers le Tigré remonte à quatre mois.
Visite humanitaire
Le manque d’accès a contraint les humanitaires à réduire leur aide, alors que les besoins humanitaires vitaux augmentent rapidement dans les régions voisines d’Amhara et d’Afar, où de nombreuses personnes fuient le conflit qui s’étend.
Au cours du week-end, le Coordinateur des secours d’urgence, Martin Griffiths, s’est rendu en Éthiopie pour examiner les besoins croissants et planifier une réponse humanitaire plus importante.
« L’accès sans entrave aux zones de conflit reste essentiel », a souligné Mme DiCarlo.© UNHCR/Hazim ElhagDes réfugié éthiopiens fuyant les violences dans la région du Tigré.
D’horribles souffrances
Rappelant le rapport de la semaine dernière de l’enquête conjointe de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies et de l’Éthiopie sur le conflit au Tigré, elle a souligné les « souffrances horribles » des civils.
« Le rapport conclut qu’il existe des motifs raisonnables de croire que toutes les parties au conflit (…) ont commis des violations du droit international des droits de l’homme, du droit humanitaire et du droit des réfugiés », a déclaré la haut fonctionnaire des Nations Unies, ajoutant que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité pourraient également avoir été commis.
Dans un contexte de discours de haine et d’augmentation alarmante des attaques contre des groupes ethniques « à un rythme alarmant », elle a qualifié l’appel du Conseil à s’abstenir de tout discours incendiaire et d’incitation à la violence de « bienvenu et opportun ».
Le besoin d’inclusion n’a jamais été aussi grand
« Il doit y avoir une cessation immédiate des hostilités », a-t-elle déclaré, en attirant l’attention sur les multiples appels en faveur d’un cessez-le-feu durable et d’un dialogue intra-éthiopien inclusif pour résoudre la crise, et finalement créer les bases de la paix et de la stabilité dans tout le pays.
En même temps, Mme DiCarlo a noté que les élections de juillet, qui ont reconduit le parti du Premier ministre au pouvoir, lui assurant un nouveau mandat de cinq ans, « ont démontré l’engagement du peuple envers le processus démocratique », et a souligné l’engagement d’Abiy Ahmed à résoudre les défis actuels et à lancer un dialogue national.
« L’urgence d’une telle initiative inclusive n’a jamais été aussi grande », a-t-elle déclaré.
Distribué par African Media Agency (AMA) pour ONU Info.