Grand dialogue national et résolution de la crise anglophone : Quel bilan trois ans après ?

[ Le Grand dialogue national  qui s’est déroulé à Yaoundé du 30 septembre au 4 octobre 2019 a trois ans après des marques positives.]

 

 

La Voix Des Décideurs – Trois ans après le Grand Dialogue national (GDN), le Cameroun en général et les régions anglophones ont subi des changements positifs. Son impact reste largement incommensurable compte tenu des progrès réalisés, en particulier dans la lutte contre la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. La demande de plus de pouvoir à la base pour améliorer le développement local à l’échelle nationale a été la priorité du gouvernement depuis ce rassemblement.

De la mise en œuvre des recommandations

Les recommandations formulées au cours de ce dialogue historique sont des instruments directeurs de la nouvelle politique de développement local du gouvernement, de la recherche de paix et de la nécessité de construire une société juste pour tous les Camerounais.

Pour leur mise en œuvre, un comité chargé de suivre la mise en œuvre des recommandations du Grand Dialogue national, a été créé le 23 mars 2020 par Paul Biya Président de la République du Cameroun. Présidé par le Premier Ministre Chef du gouvernement Joseph DION NGUTE, ledit Comité s’est réuni pour sa quatrième session le jeudi 4 août 2022.

Le statut spécial : une décision emblématique du grand dialogue national

Le statut spécial accordé aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest est comme d’autres l’une des décisions majeures du Grand Dialogue national. C’est l’une des recommandations du dialogue qui a vu les régions anglophones avoir aujourd’hui des assemblées régionales et des chambres des chefs. Malgré des limites liées à la mise en œuvre, plusieurs Camerounais ont continué à se réjouir du chemin parcouru jusqu’à présent.

Transformations socio-économiques

Avant la convocation du Grand Dialogue National, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest avaient un statut des zones sinistrées économiques. En effet, entre 2018 et 2019, l’économie des deux régions battait de l’aile. Plusieurs activités commerciales ont été interrompues en raison de villes fantômes récurrentes et de confinements.

Deuxième employeur après l’État, la Cameroon Development Corporation (CDC) était presque clouée au sol à la suite d’attaques répétées contre ses travailleurs et ses équipements. Les plantations PAMOL de la division Ndian ont également souffert de la même manière. Les activités des autorités de développement du Sud-Ouest et du Nord-Ouest ont été touchées. Des milliers de travailleurs de certaines entreprises publiques et privées ont perdu leur emploi ou ont été envoyés en congé technique.

Trois ans après le dialogue et l’implémentation de ses recommandations du, la situation s’est considérablement améliorée. En effet entre 2021 et 2022, l’activité économique a repris dans les deux régions. Les marchés et autres entreprises sociales sont désormais opérationnels dans les 13 départements des deux régions anglophones.

La Cameroon Development Corporation (CDC à a repris ses activités dans la plupart de ses plantations. Ce qui impacte positivement la production de bananes du pays.La banque centrale de la Communauté économique centrafricaine (BEAC) avait dans l’un de ses récents rapports déclaré que : « La production de bananes devrait augmenter au deuxième trimestre 2022, bénéficiant principalement de la maturation des plantations en 2021, et dans une moindre mesure, de la reprise des activités dans certaines plantations de la CDC qui ont cessé de fonctionner l’année dernière en raison de la crise anglophone ».

Après la reprise des activités en 2021, la CDC a réhabilité 520 hectares de plantations qu’il avait abandonnées en raison du conflit armé dans les régions anglophones. Cela a conduit à une augmentation des exportations de bananes au Cameroun de 4,8% au début de 2022.

PAMOL a également repris ses activités. Plusieurs travailleurs ont retrouvé leur emploi malgré des incursions séparatistes sporadiques.

Selon les sources gouvernementales, à « Kumba, capitale commerciale de la région du Sud-Ouest, a complètement repris de la vitesse avec des hommes d’affaires venant de Douala et au-delà pour continuer à faire des affaires comme avant. Presque tous les villages bénéficient maintenant des jours de marché traditionnels tels qu’ils existaient avant le conflit armé. »

Retour des déplacés internes

L’un des points clés mis en évidence au cours du Grand Dialogue national a été la recherche de la paix pour le retour des personnes déplacées dans les régions troublées du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Les premiers signes de l’impact du dialogue national majeur ont été visibles lorsque certaines personnes déplacées ont décidé de rentrer chez elles au début de l’année 2021. Peu de temps après, avant la fin de 2021, autres avaient décidés de retourner dans leurs villages.

La commission chargée de cette question au dialogue, a proposé des moyens et des méthodes qui pourraient accélérer la normalité et provoquer le retour des personnes déplacées et des réfugiés. Malgré des manipulations externe d’une certains diaspora visant à dissuader certains de rentrer,  aujourd’hui on note un retour progressif des réfugiés et déplacés internes.

Animation socioculturelle et sportive

Un autre indicateur de l’amélioration de la situation dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest est l’organisation de rassemblements sociaux, de festivals et de manifestations culturels et d’activités sportives. Avant janvier 2021, l’organisation de toute activité culturelle ou sportive dans la plupart des régions anglophones du pays était utopique.

Mais depuis 2021, il y a eu une augmentation significative du nombre d’événements culturels et sportifs. Le couronnement du Fon d’Oku, Nkambe, Mankon, Bamendankwe, Kumba, Limbe, Mankonen disent long sur la rapidité avec laquelle le climat social dans ces deux régions s’améliore. Non seulement de tels événements ont été suivis par des personnes à domicile seulement, mais beaucoup ont voyagé de partout et hors du pays pour vivre les grands moments de communion avec leurs ancêtres.

Depuis 2021, la sensation et l’esprit des compétitions sportives villageoises se sont ravivés. Les compétitions inter-trimestres de football de vacances ont eu lieu dans la plupart des régions qui étaient redoutées hier, mais qui sont calmes aujourd’hui.

L’excitation habituelle pendant les vacances dans le village montrée lors des tournois de football rebondit progressivement.

Résistance communautaire

Le moment le plus marquant maintenant dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest est la résistance que la plupart des communautés ont opposée aux combattants séparatistes. Des localités telles que Mbalangi dans la région du Sud-Ouest, Oku dans la région du Nord-Ouest sont parmi plusieurs villages à avoir ouvertement dit NON aux atrocités des séparatistes et les chassant  et les de leurs communautés.

Des milliers d’enfants retournent à l’école

L’un des secteurs clés qui ont fait la fierté des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a été la rareté des structures éducatives et la valeur qu’elles attachaient à l’éducation. Depuis la tenue du dialogue national, il n’y a pas de contradiction avec le fait que l’éducation dans les deux régions revient à ses jours de gloire.

La preuve flagrante est que les milliers de candidats dans les deux régions ont passé des examens organisés par le General Certificate of Education. Lorsque le conflit armé a atteint le crescendo, les établissements d’enseignement étaient les principales cibles.

Outre les villes fantômes et les confinements qui ont troublé les années scolaires, les incendies criminels récurrents sur les campus scolaires ont entraîné la fermeture de nombreuses écoles. Mais depuis après le GDN, de nombreux changements positifs sont visibles sur le terrain.

Le comité sur l’éducation au Grand Dialogue national a recommandé que les deux sous-systèmes de l’éducation soient donnés au maximum de la priorité. Cela a déjà été une question d’action dans les deux assemblées régionales des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest taillées dans le cadre du statut spécial.

En 2017, le nombre effectif d’inscriptions scolaires dans la région du Nord-Ouest s’élevait à 220 000. Ce nombre est tombé à 45 000 en 2018 (ou 20,51 %) et à 24 350, soit 11 67 % en 2019.À ce jour, 2022, le nombre d’inscriptions est passé à 60 462.

Progrès de la reconstruction

Le plan présidentiel pour la reconstruction et le développement de la région du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (PPRD-NW/SW) en cours aujourd’hui est un produit du GDN. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), partenaire de mise en œuvre de ce projet, enregistre déjà d’énormes succès dans les communautés. Ce plan s’intéresse prioritairement aux secteurs affligé dans les deux régions qui ont un besoin urgent de reconstruction.

18 mois après son lancement, 19 points d’eau ont été réhabilités. Lors d’une récente réunion, le coordonnateur national du PPRD-NW/SW, le ministre Paul Tasong, a évoqué la réhabilitation de 16 centres de santé réhabilités et 22 écoles réhabilitées.

Dans le cadre d’un même programme, nous pouvons citer la réhabilitation de quatre ponts, la récupération de 8000 documents perdus, plus de 60 médiateurs internes ont été formés pour renforcer la paix communautaire, 12 festivals et événements sociaux et culturels organisés pour raviver la cohésion sociale dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, cinq centres communautaires déjà rénovés.

Les chiffres présentés par le ministre Paul Tasong, évoquent la distribution des intrants  agricoles également de plus de 2402 agriculteurs, 40 serres érigées pour stimuler la production alimentaire, 53 magasins transformés pour relancer les activités économiques, 120 jeunes start-uppers formés, encadrés et financés, et  47 coopératives qui ont reçu un soutien intensif pour améliorer la production agricole.

 Nouvelle campagne de développement local

Le Grand Dialogue National a impulsé au Cameroun un nouvel élan de développement local. Quelques semaines après le GND, le pays s’est doté d’une nouvelle loi sur les collectivités régionales et locales « Code général des collectivités territoriales décentralisées » de décembre 2019. Ce parachèvement de la décentralisation est suivi par l’organisation par le pays de sa première élection régionale le 6 décembre 2020.

 

 

Aujourd’hui, les huit régions de langue Français du pays disposent de conseils régionaux dotés de pouvoirs autonomes pour piloter le développement local. Dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, il existe des assemblées régionales avec des pouvoirs qui touchent à la même chose. Un additif unique ici est la mise en place de Maisons des Chefs unique à ce qui a été obtenu dans l’ancien Cameroun occidental. Les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont maintenant des conciliateurs publics indépendants qui sont chargés de gérer les conflits découlant des collectivités locales.

Appropriation des gains par les anglophones

Selon plusieurs observateurs et experts, pour que l’impact du Grand Dialogue national soit pleinement atteint, la communauté anglophone doit accepter et adopter les recommandations de la réunion historique. Cela susciterait une action spontanée et un soutien collectif pour la mise en œuvre de ces recommandations de grande portée censées transformer des vies et des villages dans les régions anglophones.

 

La Voix Des décideurs  – Eric Ngono

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